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tions sérieuses allaient y commencer ; il ne voulut donc pas demander son rapatriement, mais il sollicita un congé de six mois et l’obtint sans peine.

Pépin qui, lui non plus, n’abusait pas des congés, puisque depuis six ans il n’avait pas mis les pieds en France, demanda la même faveur et se la vit accorder le même jour.

Le bateau qui devait emmener le jeune officier allait arriver de France le 28 mars et repartait du Tonkin le 2 avril. C’était l’Oxus, des Messageries Maritimes, et, avec la curiosité bien naturelle au passager qui veut connaître d’avance le bateau sur lequel il est appelé à vivre pendant quarante jours, Georges s’arrangea pour se trouver en baie d’Along à l’arrivée du paquebot. Il monta donc sur la canonnière-aviso, le Parseval, qui faisait le service entre la baie d’Along et Haïphong, et aborda l’Oxus lorsqu’il jeta l’ancre dans la baie, un des plus beaux sites qui soient au monde, avec ses rochers basaltiques couverts de végétation.

En mettant le pied sur le pont, le premier passager qu’il aperçut fut un grand jeune homme brun, aux traits accusés, et qui, avec son chapeau de feutre à larges bords, son veston de velours, sa cravate flottante, son pantalon large et bouffant, donnait immédiatement l’impression de l’artiste cri voyage ; cette impression était confirmée par la vue du carton qu’il portait en sautoir, carton qu’on devinait bourré de dessins. De son côté, le passager concentrait son attention sur le jeune lieutenant d’infanterie de marine, et soudain son visage s’épanouit : deux noms jaillirent en même temps :

— Georges !

— Paul !

Les deux amis d’enfance se précipitèrent dans les bras l’un de l’autre.

Le nouveau venu n’était autre en effet que Paul Cousturier, le jeune collégien que vous avez vu au début de ce récit, faisant le désespoir de Jeannette Balourdin, la vieille gouvernante, et désertant la maison paternelle pour aller tirer sur les Prussiens.

— Qu’est-ce que tu viens faire par ici ? demanda notre ami au comble de l’étonnement.

— Eh, mon pauvre Georges, que veux-tu ? Puisque tu ne te décides pas à comprendre qu’on t’attend là-bas, je viens te chercher.

— Tu viens me chercher ?

— C’est comme ça : tous ceux qui t’aiment sont peinés et surpris de te