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Elle était de M. d’Anthonay.

« Mon cher enfant, écrivait l’ancien magistrat, je renais. Grâce à Dieu, l’opération que je devais subir et qu’on avait reculée jusqu’à présent, s’est faite sans amener les troubles graves que l’on redoutait pour mon pauvre organisme anémié, et, après deux mois de convalescence, je sens les forces me revenir. Le siège de mon mal a disparu ; je puis espérer.

« Maintenant que la vie semble me sourire, que je suis entouré d’amis affectueux qui, après me l’avoir rendue supportable, vont l’embellir et la charmer, ma pensée me reporte vers vous, mon jeune ami, si vaillant, si sympathique. — Votre séjour aux colonies a maintenant dépassé de beaucoup la moyenne exigée. Revenez-nous : j’ai près de moi, comme garde-malade, une charmante enfant qui n’a pas oublié un seul jour le petit sous-lieutenant entrevu au Soudan et qui joint ses instances aux miennes.

« Votre mère d’ailleurs a dû déjà vous parler bien souvent du désir que je vous exprime au nom de tous vos amis de Nice et, en particulier, de M. Ramblot. — Avec elle, je vous le redis : « Revenez-nous. »


Cette lettre causa à Georges une émotion inexprimable. Que voulait dire M. d’Anthonay ? Évidemment, la charmante enfant dont il parlait était une des deux filles de M. Ramblot ; mais il ne pouvait être question que d’Henriette, puisque Lucie était mariée avec le docteur qui l’avait soignée. Or Henriette, bien qu’elle fût belle, d’une beauté brune et sévère, n’avait pas attiré l’attention du jeune officier. Celle qu’il revoyait sans cesse était blonde, pâle, aux boucles folles, aux doux yeux bleus.

Huit jours après l’arrivée de cette lettre, il en reçut une autre, celle-là de sa mère, et il y trouva l’expression du même désir.

« Reviens, mon Georges, disait Mme Valentine Cardignac ; depuis que tu es parti, mes cheveux sont devenus tout blancs. Tu m’avais parlé, au départ, d’une absence de trois ans ; en voilà cinq que tu m’as quittée. Tu me parlais, dans ta dernière lettre, d’attendre ta croix ; mais moi, c’est mon Georges que je veux embrasser, décoré ou non. Reviens. »


Alors le jeune homme ne balança plus.

Il avait renoncé, l’année précédente, à être rapatrié, comme c’était son droit, parce qu’il ne voulait pas quitter le Tonkin au moment où les opéra-