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briques ou des piles d’ardoises. Eh bien ! C’est le même procédé qu’employa notre ami Georges pour faire hisser par ses noirs les charges du canon sur la hauteur.

Ce fut donc une manœuvre relativement rapide, étant donnée la difficulté du terrain : et comme Georges, après avoir félicité son brave Mohiloff, vérifiait lui-même le pointage du premier coup de sa pièce, il aperçut, dévalant des collines bordant Kerouané à l’est, un flot de nègres qui descendaient les pentes en tiraillant et en poussant des hurlements sauvages !

Du renfort arrivait à l’ennemi. C’étaient les troupes d’un lieutenant de Samory, annoncé par le messager secret de M. Ramblot, qui venaient porter secours au tata, bloqué par la colonne Cassaigne !

Du reste, un courrier envoyé par ce dernier arriva, presque au même moment, pour prévenir Cardignac et réclamer l’intervention de l’artillerie.

Ah ! Georges ne fut pas long à modifier le pointage de sa pièce ; et le premier coup, tiré bien en avant de la troupe noire assaillante, vint tomber juste en plein milieu !

À la chute de l’obus, qui, en éclatant, broya une dizaine des leurs, les nègres avaient eu un court instant d’hésitation ; mais ils repartirent de plus belle. Malgré les obus qui se succédaient de minute en minute, ils arrivèrent comme un torrent, comme une avalanche, et prirent contact avec les troupes du capitaine Cassaigne.


En ceci le hasard fit mal les choses. Si le choc des assaillants eût été reçu par les marsouins, il est probable que ces derniers — bien que pris entre deux feux — eussent résisté et qu’ils auraient fini par refouler leurs agresseurs. Mais ce fut justement sur des hommes appartenant au « roi » Barka, que vinrent buter les arrivants. L’élan donné d’un côté, le manque de discipline de l’autre amenèrent une vive reculade. Le flot ennemi submergea nos auxiliaires noirs ; la confusion s’étendit aux tirailleurs Bambaras, et le désordre se fût transformé en désastre si le capitaine Cassaigne n’eût réparé en partie le malheur.

Les marsouins, rencontrant les fuyards, s’adossèrent à la muraille à demi détruite du village et tinrent bon.

Là-haut, le canon de Georges continuait à tirer, non pas sur le « tata » mais sur le nouvel ennemi ; et, laissant au maréchal des logis d’artillerie de