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C’était un assez vaste rectangle, à hautes murailles, que flanquaient, aux angles et sur les faces, des tourelles en saillies.

Il était néanmoins disposé avec science. Les champs de tir étaient bien aménagés. Les glacis permettaient de balayer fort loin l’assaillant qui en eût tenté l’approche ; mais, en tant que construction, la pierre de taille y brillait… par son absence !

Les murs étaient construits en pieux, entre lesquels un aggloméré de cailloux et de terre battue avait été disposé par les noirs, réquisitionnés pour ce travail.

Au demeurant, le fort provisoire de Kita semblait un village nègre ; un peu mieux construit, un peu plus régulier, et voilà tout ! Au milieu de l’enceinte se dressait un observatoire, un « mirador » façonné en bambou, et dominé par le drapeau de la France. Les soldats du fort de Kita dénommaient ce mirador « l’Observatoire ».

Comme logement : quatre paillotes, couvertes en herbe sèche, abritant les douze spahis et les trente Sénégalais qui composaient la garnison ; enfin, deux autres paillotes servaient de logis à l’officier commandant ; mais, on l’a vu, il en avait cédé une à la pauvre Lucie Ramblot, terrassée par la fièvre.

C’est là que, guidés par le commandant du fort, Georges et M. d’Anthonay, précédés du docteur Hervey, pénétrèrent avec un serrement de cœur.

Sur une couchette, la jeune fille était étendue. Ses joues empourprées, ses yeux dilatés, les frissons qui secouaient son corps décelaient l’ardeur de la fièvre. Une moustiquaire de gaze la préservait de l’atteinte des mouches et des moustiques, et non loin d’elle, un soldat, le caporal d’infirmerie, cumulant pour l’instant les fonctions de médecin et d’infirmier, préparait une potion. Mais dans ce mince visage émacié par la fièvre, aucun trait ne survivait de ceux que Georges Cardignac avait connus. Seuls les cheveux blonds aux fauves reflets épandus sur l’oreiller rappelaient au jeune homme la fillette qui à Dijon venait distraire le franc-tireur d’alors par un gentil babil, ou qui, la physionomie grave, l’écoutait dicter à Paul Cousturier son journal de guerre.

Dix ans avaient passé qui avaient transformé l’enfant en une belle jeune fille, car malgré la fièvre qui la consumait, elle était ravissante avec