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cheval à crinière épaisse, bas sur jambes et court d’encolure, qui lui avait paru de prime abord le type de la rossinante la plus parfaite. Mais, dès la première heure, il avait été frappé de l’allure régulière de sa monture, de la sûreté de sa marche, et il s’en était remis à elle, en lui laissant la bride sur le cou, du soin de franchir les passages difficiles, gués, rochers à fleur d’eau, escarpements de toutes sortes. Il l’avait appelée Lutin.


Le 17 avril, la colonne se mettait en marche à travers un pays facile, et, quelques heures après, elle passait au pied du fort de Médine, poste situé seulement à douze kilomètres de Kayes ; là elle se renforça d’une unité des plus importantes : je veux dire d’un médecin.

Le docteur Hervey, qui devait faire le service à la petite colonne, était un savant et un chercheur dont la journée entière était occupée à enrichir un herbier et à faire collection de minéraux. Armé d’un petit marteau de géologue, il scrutait les roches, s’extasiant sur la richesse du minerai de fer, qui, tout le long du fleuve, affleure le sol ; il parlait avec enthousiasme des mines d’or de Bambouk, connues des Portugais dès le quatorzième siècle, et qu’il se flattait de pouvoir retrouver quelque jour. Mais ce qui l’intéressait le plus, c’était la conformation cranienne des différentes races de nègres du Soudan, et il n’était pas rare de le voir tomber en arrêt sur un noir, mesurer le tour de son crâne et son angle facial, ou braquer sur lui un appareil photographique.

Les premiers jours de marche furent peu pénibles : le chemin était frayé le long du fleuve, les villages étaient nombreux, et, jusqu’à Kita, on pouvait être assuré contre toute agression. Cependant les précautions d’usage étaient régulièrement prises, car déjà la réputation de déloyauté de Samory était connue de tous.

Le lieutenant Flandin ouvrait la marche avec une avant-garde de cinquante hommes ; puis venait le capitaine Cassaigne avec son interprète : Mousso Déré, un personnage important, vêtu à l’arabe et monté sur une mule. Le gros de la compagnie suivait l’état-major ; puis, sur une longueur interminable, s’étendait la file des porteurs, divisés en compagnies de cent hommes ; chacune d’elles était placée sous les ordres d’un chef Bambara, ayant pour insigne de commandement une lourde matraque. De temps en temps, il en caressait les épaules et les mollets des traînards de sa bande,