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affluent de droite du Congo. Ouvrez un atlas, mes enfants, et étudiez ce parcours extraordinaire, effectué, lui aussi, sans tirer un coup de fusil, par le lieutenant-colonel Marchand. Les plus petits d’entre vous ne peuvent ignorer ces grandes choses, et, au début de ce siècle, l’étude de la géographie est une des premières qui doive être imposée aux petits Français.

Regardez ce vaste territoire marqué par les points de Libreville, Franceville et Brazzaville, et dont le sommet se dirige en une double pointe, d’une part sur le Tchad, de l’autre sur le Soudan égyptien. C’est vers ces régions, encore en grande partie inexplorées, qu’allait se diriger Zahner, et, penchés sur un atlas jusqu’à une heure avancée de la nuit, les deux amis firent mille projets, en constatant qu’un jour viendrait peut-être où les trois groupes de possessions françaises en Afrique : Algérie, Soudan et Congo, viendraient se souder l’un à l’autre, en ce point mystérieux du lac Tchad où quelques rares voyageurs seulement étaient alors parvenus.

Ce rêve des deux officiers, mes enfants, il n’a fallu que dix-huit ans pour le réaliser, et aujourd’hui un bateau à vapeur promène le drapeau tricolore sur ce Tchad ou Tsadé, devenu français sur les deux tiers de ses rivages.

— Nous nous écrirons !

Telle fut la promesse qu’échangèrent en se quittant les deux camarades de promotion.


Le lendemain, un petit vapeur de faible tirant d’eau, le Faidherbe, quittait les quais de Saint-Louis, traînant lentement et péniblement à sa remorque une douzaine de chalands, qui apparaissaient à la traîne comme une minuscule forêt de mâts.

Sur les huit premiers de ces chalands étaient répartis les « marsouins » de la compagnie du capitaine Cassaigne ; deux autres donnaient asile à une foule bigarrée : tirailleurs paresseusement étendus sur leurs badios (couvertures), négresses allumant le feu des cuisines et préparant le couscous, marabouts exécutant leurs salams (saluts de prière) avec de grands gestes et de profondes prosternations, télégraphistes qui rejoignaient leur poste du Haut-Fleuve et tuaient le temps en jouant aux cartes.

Les derniers chalands étaient encombrés des caisses et des bagages de la colonne, de marchandises attendues dans les postes et d’approvisionnements de toutes sortes ; des laptots ou marins indigènes du Sénégal, juchés