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les attendait, eux, les jeunes de la troisième génération. C’en était fait des grandes luttes européennes, il le sentait. Pour glaner un peu de gloire, il fallait maintenant aller la chercher sous d’autres cieux.

Et à la pensée de tout ce qu’avaient fait les hommes d’autrefois, le jeune sous-lieutenant se sentit pris d’un besoin débordant d’activité. Dès lors, il ne rêva plus que départ ; il accompagnait jusqu’aux transports les détachements dont le tour de relève était venu et les camarades qui embarquaient, attendant son tour fiévreusement.

Et ce jour tardait bien.

Il arriva enfin.

Sa mère était venue passer une semaine avec lui au mois de décembre 1879 ; ce fut avec un éclair de joie dans le regard, qu’il l’aborda : « Mère, dit-il, nous partons dans un mois. »

Elle eut un cri déchirant : « Déjà ! »

Il l’embrassa, la consola ; mais en était-il bien sûr ? ne prenait-il pas ses désirs pour des réalités ?

Oui, il en était sûr, le capitaine Cassaigne venait de le lui dire. La 14e compagnie partait tout entière avec ses officiers, ses cadres et ses soldats instruits. C’était une chance, car, suivant leur tour d’embarquement individuel, les officiers d’infanterie de marine partent le plus souvent sans leurs hommes, et trouvent aux colonies des compagnies nouvelles, des hommes qu’ils ne connaissent pas. Combien Georges était heureux de partir avec les siens, avec son peloton !

— Et où vas-tu ? demanda Valentine, entre deux sanglots.

— Où j’avais rêvé d’aller, mère : au Sénégal !