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Ce ne fut pas l’envie qui lui en manqua, mais ses parents s’y opposèrent formellement, et il ne voulut pas débuter dans la vie militaire par une désobéissance aux désirs d’un père et d’une mère qu’il adorait ; mais il put satisfaire en partie cependant les goûts aventureux qu’il avait contractés au contact de Georges, en demandant un régiment d’Afrique, et, parmi tous ces régiments, il choisit celui qui avait le plus de chances de faire campagne au loin : la légion étrangère.

Aussi Georges et lui devaient-ils plus tard se retrouver aux colonies, car la légion a été de toutes les fêtes : au Tonkin, au Dahomey, à Madagascar, et partout elle s’est taillé la réputation d’un corps intrépide.

Une autre considération, il faut le dire, avait décidé le petit Andrit à rester dans l’armée de terre, et il l’avait maintes fois exposée à son ami.

— Et si tu es loin, bien loin, au fond du Sénégal ou en Cochinchine, lorsque éclatera la guerre avec l’Allemagne, quels regrets n’auras-tu pas de ne pouvoir arriver à temps !

Mais Georges avait répondu par le souvenir de la « Division bleue » à Sedan.

— Si la guerre éclate, on nous rapatriera, et, comme en 70, nous arriverons encore à temps pour faire notre partie à la frontière de l’Est, j’en suis bien sûr.

Si on eût dit alors aux deux jeunes gens qu’un quart de siècle et plus se passerait avant que cette guerre de revanche éclatât ; si on leur avait dit aussi que l’activité de la France, alors tournée tout entière vis-à-vis de celui qu’on appelait « l’Ennemi » tout court, c’est-à-dire de l’Allemand, allait se dépenser en expéditions coloniales aux quatre coins du globe, Georges Cardignac se fût applaudi de son choix ; Émile Andrit l’eût imité ; mais tous eussent été bien surpris.

Mme Cardignac avait bien essayé de détourner son fils de l’infanterie de marine ; mais depuis deux ans qu’elle le voyait s’affermir de plus en plus dans son intention de rester « le petit marsouin » qu’il avait été aux débuts, elle finit par céder et se résigna comme elle s’était toujours résignée.

De sorte que, le 1er  octobre 1877, les nominations paraissaient à l’Officiel, envoyant Georges Cardignac à Cherbourg et Émile Andrit à Bel-Abbès, dans la province d’Oran.

Ils devaient rejoindre leurs corps respectifs le 31 décembre.