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Celui-ci frappait du pommeau de sa canne la porte de la cour.

— Qui vive ! criait-on de l’intérieur.

— Triomphe ! répondait le tambour-major.

À cette réponse, la porte était ouverte à deux battants, et, aux accents de la Saint-Cyrienne, la promotion des Anciens franchissait le seuil de la cour.

Le char triomphal passait entre la haie des recrues qui poussaient des hourras frénétiques et s’arrêtait devant le général commandant l’École, entouré de tout l’État-major, et à qui le père Système adressait un discours de circonstance.

Le triomphateur recevait alors les félicitations du général, qui annonçait la levée des punitions, nouvelle accueillie par des acclamations enthousiastes.

Aussitôt après le dîner, un bal était organisé dans le fond de la cour ; des lanternes vénitiennes accrochées aux arbres illuminaient le décor ; une fanfare s’improvisait à l’aide d’artistes inconnus et d’instruments tombés on ne sait d’où, et la fête se prolongeait jusqu’à dix heures aux accords d’une musique enragée.

Telle était jadis, mes enfants, la célébration de notre modeste triomphe ; c’était une réjouissance tout intime et surtout improvisée.

Aujourd’hui, la fête qui porte ce nom est devenue une véritable solennité artistique : elle a lieu dans la « Petite-Carrière », sous les yeux de trois ou quatre mille invités du dehors, officiers de Paris et de Versailles, parents des élèves, curieux de marque, et les toilettes des femmes jettent au milieu des uniformes une note claire du plus gracieux effet.

Le programme des différentes attractions offertes par les élèves à ce public de choix est d’une richesse et d’une variété que ne désavouerait pas un impresario américain.

Les costumes, loués à Paris ou confectionnés par les élèves eux-mêmes, avec des papiers et des cartons multicolores, transforment tous ces jeunes gens en Romains, en bayadères, en Mexicains, en sauvages, suivant que les événements marquants de l’année attirent la verve des acteurs sur telle ou telle partie du monde.

Après un défilé burlesque des plus amusants, la fête commence, suivie de drôleries inénarrables, conduites par un compère à la faconde inépuisable,