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L’amitié des deux jeunes gens était devenue plus étroite, et bien souvent. Georges avait emmené le petit sergent-major chez sa mère, aux jours de sortie. C’était l’heure reposante, après les dures épreuves de la semaine : mais encore fallait-il la gagner, cette sortie. Or elle était la résultante de la conduite et de toutes les notes hebdomadaires ; aussi étaient-ils encore nombreux ceux pour qui ne s’ouvraient pas, le dimanche, les portes de l’École.

Il y avait exception les jours de « galette » : lorsque le Chef de l’État, le Ministre de la Guerre ou un souverain étranger venait visiter Saint-Cyr, le général accordait en leur honneur la sortie générale ou « galette », et c’était dans tout Paris, pendant ces journées-là, un frissonnement de plumets blancs et rouges.

Un grand jour aussi était celui du « triomphe », précédant de peu les examens de sortie, et l’excursion que je viens de faire avec vous à Saint-Cyr, mes enfants, serait incomplète si je ne vous en parlais pas.

Lorsque dans le tir au canon, qui s’effectuait alors sur le polygone de l’École, et que la grande portée des pièces a fait reporter aujourd’hui au camp de Châlons, un ancien avait eu la chance d’envoyer une bombe sur le but représenté par un tonneau tricolore, il y avait « triomphe ».

Les élèves présents à la batterie à ce moment, accouraient aussitôt dans la cour Wagram pour y annoncer la bonne nouvelle, et, immédiatement, tous les exercices étaient suspendus.

Une animation extraordinaire se manifestait dans toute l’École : un vent de gaieté soufflait partout.

Tout d’abord « le père Système », c’est-à-dire l’élève de la promotion des anciens qui avait le matricule le plus bas, grimpait aux salles de police et sommait le sergent de garde de lâcher ses prisonniers ; puis les recrues, rapidement travesties au moyen de toiles de tente, de plumets, de papier de couleur et de toutes les parties de l’équipement mises à contribution, formaient la haie dans la cour, et, armés de branchages, attendaient le triomphateur.

Celui-ci apparaissait bientôt devant la porte fermée de la cour, assis sur un affût de canon, orné de verdure et traîné par quatre chevaux. Toute la promotion des anciens le suivait, conduite par le « père Système ».

Les tambours et clairons marchaient en tête du cortège, précédés par le tambour-major.