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Car les anciens avaient peu à peu connu, non par ses récits — il évitait le plus possible de se mettre en scène — mais par des témoignages venus du dehors, que leur jeune recrue s’était comportée en brave, en toutes circonstances, et avait fait preuve de sang-froid dans les cas les plus graves, et l’estime générale lui était venue, lui évitant toute tracasserie, se manifestant sous mille formes.

Il en était de même des professeurs à qui le capitaine Manitrez avait fait l’éloge de son élève : si bien que les bonnes notes lui arrivaient comme l’eau va à la rivière, et qu’à la fin de l’année, il se trouva le douzième de sa promotion. Il avait donc gagné cent trente-sept rangs.

Le petit Andrit, lui, était quatrième.

Oui, mes enfants, il était avant notre ami Georges, et Georges fut le premier à s’en réjouir, car véritablement son ami s’était montré acharné au travail pendant cette année-là. Il avait d’ailleurs sur Georges un avantage marqué : il dessinait à merveille. Ses levés de plans, ses agrandissements topographiques, ses copies de cartes avaient toujours les meilleures notes, et comme le dessin sous toutes ses formes — prenez-en bien note, futurs Saint-Cyriens — tient une très grande place dans le programme d’enseignement de l’École, il s’était trouvé tout naturellement en tête de sa promotion.

La deuxième année de Saint-Cyr avait encore rapproché les deux amis. Je suis sûr que vous me demanderez, mes enfants, si, devenus « anciens », ils avaient, à leur tour, brimé les pauvres melons de la promotion suivante.

Il faut bien que je vous réponde franchement : Oui. Ils n’avaient pas été féroces bien certainement ; mais, convaincus par leur propre exemple de l’utilité de former le caractère des futurs officiers, ils avaient exercé sur eux leur verve railleuse, et Andrit, en particulier, n’avait pas manqué de confier à l’un d’eux le désir de « cet officier » de posséder deux cents alexandrins tirés de :

« L’influence des queues de morues sur les ondulations de la mer. »

Ce n’était pas nouveau, mais c’était toujours bien ennuyeux !

Quelle différence entre la deuxième année d’École et la première ! Georges avait été nommé sergent à la rentrée : Andrit était passé sergent-major à la compagnie du capitaine Manitrez, qui l’avait pris, comme le fils du colonel Cardignac, en véritable affection.