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chien vert, chien jaune, etc. Vous saurez que, si j’employais la langue spéciale de l’École pour désigner les êtres et les choses, vous ne comprendriez plus rien à mes descriptions.

Au professeur titulaire sont adjoints des capitaines que, de tout temps, on a appelés irrévérencieusement des « pendus ». Pourquoi, je n’en sais rien ; mais ce dont je me souviens, par exemple, c’est de la terreur que quelques-uns inspiraient en faisant passer « les colles ».

Ah ! le dur moment que celui où, campé devant un tableau noir et muni de gants blancs, l’élève subit l’interrogatoire hebdomadaire ! Quelle note « ramènera-t-il » ? Elle est importante, cette note, car s’ajoutant aux autres, elle modifiera le classement de fin d’année, et, au classement final, décidera du choix d’un régiment et d’une garnison.

Lorsque les cours sont finis au point de vue théorique, ils sont confirmés dans des séances pratiques, et rien n’est plus pittoresque que de voir les compagnies de Saint-Cyriens se disperser, hors de l’École, les unes sur le polygone de Satory pour y voir exécuter des destructions par la mélinite, ou construire des chemins de fer de campagne ; les autres sur les routes pour y lever le terrain à la boussole, cependant que celles-ci creusent des tranchées et que celles-là s’exercent à la manœuvre du canon.


Mais à toutes ces séances d’un intérêt si nouveau pour eux, Georges Cardignac et son ami Andrit préféraient les exercices du service en campagne qui avaient lieu aux environs de l’École.

Sans doute, ces exercices extérieurs étaient précédés, pendant l’hiver, de durs moments : ceux où, immobiles dans la neige, glacés par l’âpre vent qui balaye le Marchfeld[1], ils avaient senti leurs doigts collés par le froid contre le canon du fusil. Mais ces débuts n’avaient été qu’un jeu pour le fils du colonel Cardignac, rompu aux exercices du corps et au maniement du fusil. Et quant au petit Andrit, il avait apporté à satisfaire son instructeur[2] un tel fanatisme — c’est le mot à Saint-Cyr — que ses progrès avaient été rapides, et que le terrible ancien lui avait déclaré, après quinze jours

  1. Terrain de manœuvre contigu à la cour Wagram et au Petit Bois. Ce nom lui a été donné en souvenir de la plaine où se livra la bataille de Wagram. Il est dominé par la statue équestre de Kléber.
  2. Chaque recrue est livrée à un ancien qui devient son instructeur au point de vue militaire et est responsable de cette instruction pendant les trois premiers mois.