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aussi du patois ; il veut dire indifféremment laid ou vilain. — Donc, en bon français, Peu Mandrin signifiait tout simplement : « Vilain mauvais sujet ! »

Était-ce seulement sous le coup de la colère que ce qualificatif avait échappé à Jeannette, ou bien le jeune lycéen le méritait-il réellement ?

Hélas ! Je dois vous avouer mes enfants, que c’est la deuxième hypothèse qui est la vraie, et reconnaître que ce n’était pas seulement à cause de sa présente fugue, mais bien à cause de sa conduite générale, que Paul Cousturier, le propre neveu du professeur, méritait d’être ainsi qualifié.

Pourtant, comme dans tout mauvais cas il existe des circonstances atténuantes, je me hâte d’ajouter qu’il en existait pour notre petit galopin.

S’il était mauvais sujet sur bien des points, il était du moins bon, loyal et brave. Certes, il faisait preuve d’une paresse inimaginable ; son caractère était emporté, batailleur, indiscipliné. La moindre contrainte le mettait en état de révolte et l’invitait, par esprit de contradiction, à la désobéissance ; mais il avait toujours la franchise instinctive de reconnaître les petits méfaits qu’il avait commis ; alors, sous les reproches de son oncle, il était pris de regrets, qui se résolvaient en bonnes paroles et promesses formelles de ne plus recommencer. Malheureusement cela ne durait pas. Sa nature expansive, avide de liberté, reprenait le dessus ; et, plantant là ses cahiers, ses livres, Paul, trompant toute surveillance, filait prestement et passait des journées entières à courir la prétentaine.

Personne mieux que lui n’était renseigné sur les arrivées et les départs des troupes. S’il ignorait ses leçons, si ses devoirs n’étaient pas faits, on peut dire au moins qu’il connaissait, par le menu, tous les événements militaires qui survenaient en ce moment dans la région dijonnaise.

— D’où viens-tu ? lui demandait sévèrement son oncle, en le voyant rentrer d’une escapade et crotté jusqu’à l’échine. D’où viens-tu encore ? Et où est ton problème d’algèbre.

— Mon oncle !… C’est que les mobiles de Saône-et-Loire sont arrivés et…

— C’est bien ! Tu seras privé de dessert et tu me copieras cinq cents fois cette phrase — et bien écrite, n’est-ce pas ? — « Je suis un polisson qui désobéis constamment. »

Mais le lendemain, le pensum n’était pas fait : Paul avait été, paraît-il, voir manœuvrer les « francs-tireurs du Doubs », ou bien il s’était rendu à