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Comment ! me direz-vous, mes enfants, l’armistice était signé et les Allemands continuaient la guerre contre l’armée de l’Est ! Mais alors !… Ils violaient les conventions et le droit des gens !

Hélas, non ! Il est triste d’avoir à faire cette constatation navrante ; mais, au moment où l’armistice était signé à Versailles, le gouvernement avait oublié d’y comprendre l’armée de l’Est !

Oubli impardonnable, que n’excuse ni l’émotion de la défaite, ni le désarroi général.

Que de vies inutilement sacrifiées par cet oubli ! Que de souffrances imposées ainsi à ces pauvres soldats en retraite !

N’insistons pas sur ce cas douloureux, mes enfants.

Je préfère vous dire en passant ce qu’avait fait maître Paul pendant que son ami Georges se battait à Villersexel et à Montbéliard.

Maître Paul, pour se dédommager d’être resté à Dijon, faisait encore le coup de feu sous les murs de la ville les 21, 22 et 23 janvier !

Parfaitement ! L’armée de Manteuffel, pour passer entre Langres et Dijon, avait détaché une division pour immobiliser Garibaldi qui tenait son centre dans cette dernière ville.

La défense fut énergique ; les Allemands y furent durement éprouvés et perdirent entre autres le drapeau du 61e régiment poméranien, qui leur fut enlevé par un franc-tireur.

Il est bon de le dire, car ce fut le seul drapeau pris sur un champ de bataille pendant la guerre de 1870-71.

Nous en avons perdu beaucoup, mais on ne nous les a pas pris les armes à la main. Ce sont les capitulations qui nous les ont arrachés, tandis que, au moins, si les Allemands n’en ont perdu qu’un, c’est qu’on le leur a enlevé de vive force.

Allez le voir, mes enfants ! Il est aux Invalides, suspendu aux voûtes de la chapelle, côte à côte avec ceux que les Allemands nous ont laissés à Iéna !

Un autre fait aussi doit vous être raconté, au sujet de ces combats de Dijon ; car on oublie vite en France, et il est bon que vous sachiez ce dont nos ennemis d’alors ont été capables : le voici dans toute son horreur.

Furieux d’avoir été tenus en échec devant le château du Crêt-de-Pouilly, près Dijon, les Prussiens, s’en étant enfin emparés, y trouvèrent encore des défenseurs.