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Les turcos filaient sur les deux côtés de la route, et se dissimulaient de leur mieux.

Défense leur avait été faite de tirer sans ordre. Georges Cardignac, l’arme prête, courbé en deux, dans le fossé, suivait de près Barka qui, l’œil ardent, le devançait de quelques mètres. Derrière suivait paisiblement Mohiloff, un bâton à la main et sac au dos.

Sur la route, la grande silhouette élégante de Paul Augier se découpait dans le brouillard.


Soudain, sous une futaie, un bruit de pas retentit, puis des formes indécises apparaissent.

— Halte !… et à terre ! commande doucement le sous-lieutenant.

Les turcos obéissent.

Mais au même moment, un coup de feu part de la futaie à leur adresse et enlève la chéchia de Barka.

Ah ! ça ne fut pas long ! L’Arabe épaulant riposte, et cinq ou six de ses camarades l’imitent, sourds aux objurgations de Paul Augier qui, ayant reconnu que les arrivants étaient des mobiles, criait à ses Arabes.

— Ne tirez pas ! ce sont des gardes mobiles ! Ne tirez pas !

Le feu des Arabes s’arrête pourtant ; mais Barka, roulant des yeux furibonds :

— M’en moque pas mal ! crie-t-il, ma liéténant, ti sais ! pisque « garde-maboul » tirer sur téraïours… téraïours tirer sur « garde-maboul ». Voilà !


Paul Augier et Georges ne purent s’empêcher de rire de la boutade. Au reste, c’était bonheur — pour une fois — que les turcos fussent mauvais tireurs, et personne n’avait été touché.

La marche reprit donc, avec une section de renfort qui venait d’arriver, et bientôt ce furent des coups de fusils prussiens qui, cette fois, nous arrivèrent de Montbéliard.

D’un ton bref, Paul Augier, très calme, disposa son monde. Instinctivement les turcos s’étaient placés en demi-cercle, et le feu commença.

Puis, quand on eut atteint les premières maisons, l’officier cria :

— À la baïonnette !

Et, chose invraisemblable mais vraie, les Allemands dégarnirent précipi-