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« Lakdar, qui vient d’arriver pour me serrer la main, me charge de faire ses amitiés au petit sergent de l’ex-9e demi-brigade.

« henri. »


Encore une fois, comment vous dépeindre, mes enfants, la joie immense qui, à la lecture de cette lettre, inonda le cœur de tous ?

Le colonel rayonnait en lisant à haute voix ce récit à la famille assemblée. J’avoue pourtant qu’à plus d’un passage, il dut s’arrêter : la pensée du terrible danger couru par Henri donnait à sa voix, si nette d’ordinaire, des frémissements inaccoutumés.

Quant à la mère et à la grand’mère, leurs larmes coulaient, à la fois douces et amères, en songeant aux dangers futurs ; mais ce fut Jean qui trouva pour elles le mot qui fait espérer :

— Chançard ! s’écria-t-il en riant. Avant peu je lui devrai le respect ! Il sera mon supérieur et me flanquera aux arrêts ! Et sur un soupir de sa mère :

— Petite mère chérie, ajouta-t-il, sois tranquille. Il y a pour les soldats un proverbe : Non bis in idem ! Jamais deux fois pour le même !… Mon Henri a payé sa dette à la mort : maintenant qu’elle l’a frôlé de si près, elle n’osera plus le regarder en face.

Pourtant, malgré cette réconfortante promesse, une prière muette mais ardente s’éleva ce soir-là du cœur de la mère et monta vers Dieu !