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CHAPITRE V

lettre d’afrique


L’annonce d’une victoire est généralement une joie pour un peuple ; pourtant, il faut le reconnaître, la nouvelle du triomphe d’Alger fut accueillie presque froidement par les Parisiens.

Il y eut bien un Te Deum solennel à Notre-Dame, illuminations officielles et bal à la Cour, mais ces manifestations restèrent sans écho apparent dans l’âme du peuple.

On était fier de l’armée, oh ! certes ! mais le même sentiment de rancune, manifesté par le colonel Cardignac lors du départ de la flotte, animait la grande majorité des Parisiens. Charles x était impopulaire, et le silence de la population voulait dire :

« Nous sommes glorieux du succès de nos soldats, mais nous ne voulons pas admettre que vous en tiriez vanité : vous n’y êtes pour rien ! »

C’était peut-être au fond un peu injuste, mais un peuple ne raisonne pas ses antipathies, et le régime d’alors était si profondément antipathique aux Français que Charles x allait, malgré son récent triomphe, en acquérir la preuve quelques jours plus tard.

Le 25 juillet 1830, poussé par des conseillers qu’il eut le tort d’écouter, le Roi signait ces « ordonnances » fameuses qui restreignaient la liberté d’écrire au point de la rendre illusoire, et qui modifiaient autoritairement le mode d’élection des députés.

La réponse du peuple fut terrible : deux jours plus tard, le 27 juillet, Paris,