Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette réponse était la seule qui pût sauver les prisonniers ; car, à la menace du Dey, le général en chef répondait par une menace.

Il rendait Hussein lui-même garant de la vie des captifs.

Qu’allait faire, devant cette mise en demeure, le Turc sanguinaire et fataliste ? N’était-il pas à craindre qu’il envoyât pour toute réponse, au général français, un sac de têtes fraîchement coupées ?

L’angoisse était donc toujours la même dans la petite maison de Saint-Cyr, car, le 20 juin, arrivait à Paris la nouvelle du débarquement à Sidi-Ferruch, mais elle ne disait rien des prisonniers.

Puis, la victoire de Staouëli, annoncée aux Parisiens, remua dans le cœur du colonel deux sentiments bien contradictoires : l’orgueil du soldat et le désespoir du père, car le malheureux se demandait si chacune des secondes qui s’égrenaient dans l’éternité, n’emportait pas avec elle l’âme de son enfant.

Enfin arriva la dépêche racontant la prise d’Alger.

La nouvelle en avait été apportée par le vaisseau le Sphinx, et transmise par télégraphe à Paris. L’armée française avait fait son entrée dans la capitale barbaresque le 5 juillet 1830, et, dans le rapport transmis par le général en chef, il était dit que les prisonniers du Silène et de l’Aventure avaient été remis par le Dey au général en chef.

Il m’est bien impossible de vous dépeindre, mes enfants, la joie, l’immense joie que cette nouvelle apporta au cœur du colonel Cardignac et de tous les siens ; aussi ne l’essaierai-je point.

La joie ne fait pas mourir… au contraire, et la pauvre mère fut enfin délivrée de la torture morale terrible qu’elle endurait depuis de longues semaines.

Cette nouvelle était parvenue le 9 à Paris ; huit jours plus tard, le 17 juillet 1830, le courrier apporta non pas une lettre, mais ce laconique billet, écrit à la hâte par Henri.

« Chère petite mère et cher père,

« Je vous griffonne au galop ces quelques lignes : le courrier est en train d’appareiller et je n’ai que le temps de vous embrasser bien tendrement avec toutes les forces de ma tendresse, car j’ai bien failli ne jamais vous