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CHAPITRE IV

jours d’angoisse


En quittant Toulon, après le départ de la flotte, le colonel Cardignac, assis dans le coupé de la diligence, était parfaitement heureux.

Au fond, malgré les critiques qu’il avait formulées, il était enchanté de l’attitude des troupes ; et puis c’était la première expédition sérieuse depuis Waterloo ; la France guerrière se réveillait donc enfin et allait montrer à l’Europe qu’un grand peuple ne meurt pas. D’ailleurs, l’expédition était remarquablement conçue, et le colonel ne pouvait qu’adresser des compliments à ses organisateurs.

Puis, une autre considération lui faisait monter au cœur une bouffée d’orgueil : « Son fils en était ! »

Chez cet homme, brûlé au feu de vingt batailles, l’idée de voir son fils marcher à l’ennemi provoquait un enthousiasme que peuvent seuls comprendre ceux qui ont une âme de soldat.

Pourtant, la pensée qu’Henri pouvait périr dans cette lutte, contre un ennemi barbare et cruel, l’effleurait parfois ; mais, après un frisson qui passait comme un éclair sur son âme de père, l’orgueil, un noble orgueil, reprenait le dessus.

« Soit ! pensait-il, mais mourir pour mourir, n’est-ce pas la plus belle des morts, celle qui vient vous prendre sous les plis du drapeau ? Ce n’est pas la mort si triste du malade épuisé. C’est la Patrie elle-même qui recueille dans ses bras, sur un lit de lauriers, le combattant qui tombe en brave ! Quant à