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Le colonel n’avait pas manqué non plus de faire une amère réflexion contre le choix du général en chef, Ministre de la guerre, le comte de Bourmont, dont la défection avait jadis, à la veille de Waterloo, entraîné la chute de Napoléon.

— Ce commandement que lui donne Charles X, avait-il dit, c’est le moyen de racheter sa faute.

Et maintes fois on l’entendit répéter : il cherche sa réhabilitation : il ne la trouvera jamais.

Parmi les trois généraux de division, il critiqua de même le choix de deux d’entre eux, le général de Loverdo et le général duc des Cars qui n’avaient pas appartenu à l’ancienne armée.

— Heureusement, conclut-il, il y a avec eux Berthezène… Celui-là, je le connais ! c’est un ancien !

Malgré tout, cet appareil de guerre avait remué dans cette âme de soldat tant de souvenirs de jeunesse, que l’ancien colonel de la Garde avait tenu à rester à Toulon jusqu’au départ définitif de la flotte ; l’aspect imposant de ces trois cent quarante-sept vaisseaux prenant la mer, avait même fini par l’enthousiasmer sincèrement. Quand les dernières voiles avaient disparu à l’horizon, il avait repris la diligence et était rentré à Paris, en passant par Marseille et Lyon.

Quant à la flotte, elle avait été, ainsi que je vous l’ai dit, obligée de relâcher à Las Palmas, d’abord par suite de vents contraires, ensuite pour permettre aux navires moins bons voiliers de rallier le vaisseau amiral.

De sorte que, le 11 juin, elle n’avait pas encore rejoint l’escadre de blocus.

Enfin le 13, au petit jour, elle apparut.

Lakdar l’annonça aux captifs.

L’Arabe était sombre en leur faisant part de cette nouvelle : il songeait évidemment que l’attaque était proche et que la vie des prisonniers allait être en danger.

Cardignac, comprenant ses inquiétudes, lui frappa sur l’épaule :

— Ami, dit-il, tu as peur pour nous.

Évasivement l’ancien mameluk répondit :

— Dieu seul est grand !… Il est le maître de l’heure !

Tu as raison ! fit de Nessy ; puis à ses compagnons :