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« Allah est grand ! et Mahomet est le serviteur d’Allah ! Que les Infidèles soient maudits ! Hussein, Dey d’Alger, est l’envoyé du Padischah, le représentant du Commandeur des Croyants. Son bras est armé par Allah ; que les Roumis tremblent devant sa colère ! Les Francs, poussés par le génie du mal, ont osé affronter sa puissance ! Un souffle de folie a passé sur l’esprit de leur Roi ! Il prétend envahir les terres du Sultan, ombre de Dieu sur la terre : malheur à eux ! malheur à lui ! Hussein les brisera comme l’orage courbe les épis de blé ! Le yatagan de ses guerriers fauchera leurs têtes comme le cimeterre du chaouch[1] a déjà tranché celles des maudits que la mer a livrés !

« Malheur à eux !… Trois fois malheur aux Infidèles ! La mer se rougira de leur sang ! »

Quant à vous, notre Seigneur Hussein vous garde comme otages ; dès ce soir, il fera prévenir le commandant français que si un de ses soldats met le pied sur la terre sacrée, vos têtes tomberont ! Allah est grand !

Henri, que la colère empoignait, fit un geste. Il allait parler, mais un serrement de main de Nessy lui cloua les lèvres ; en même temps, l’enseigne lui lançait à voix basse, mais énergiquement, un : « Silence !… Tais-toi ! » qui rendit le sang-froid au jeune officier.

— C’est bien ! dit alors le commandant d’Assigny à Lakdar. Dis au chef que nous avons compris.

Hussein alors étendit le bras.

Lakdar, auquel venait de s’adjoindre un Turc au visage chafouin, au regard faux et cruel, entraîna les captifs vers une porte basse ouvrant dans un angle du patio.

Ils descendirent quelques degrés, s’engagèrent dans un souterrain creusé en plein roc, remontèrent une trentaine de marches et débouchèrent dans la cour, intérieure du « Château de l’Empereur » qui allait être leur prison.

Après avoir défilé devant les regards curieux et railleurs des soldats turcs, ils gravirent à nouveau un escalier dallé ; enfin, au dernier étage de la citadelle, Lakdar les installa dans une sorte de cellule garnie de nattes, dont la fenêtre s’ouvrait sur la cour intérieure.

Cette ascension ne s’était pas opérée sans difficultés ; il avait fallu porter à bras Goelder qu’on déposa sur des nattes.

  1. Bourreau arabe.