car elle commence à s’enflammer, sans compter que vous en avez une autre à la tête.
— Oh ! celle-là, ce n’est rien ; une éraflure, un culot d’obus qui m’a frisé ; cinq centimètres plus bas, il me décapitait… ce que c’est, d’avoir de la chance ! Pauvre colonel, s’il pouvait en avoir eu autant !
— C’est de votre colonel que vous parlez ? demanda le prêtre.
— Oui, Monsieur l’abbé, et en même temps du père de M. Georges Cardignac.
L’aumônier se tourna vers le jeune homme ; absorbé par les soins donnés au blessé, il ne l’avait pas remarqué.
— Vous êtes le fils du colonel Cardignac… de l’artillerie ? demanda-t-il.
— Oui, Monsieur l’aumônier.
— Vous habitez Metz ?
— Non… Le Havre.
— Et vous êtes venu du Havre pour le chercher ?
— Je suis venu pour m’engager ; c’est en arrivant que j’ai appris que père était blessé.
— Blessé ! répéta le prêtre.
Il y eut un silence.
— Le connaîtriez-vous ? demanda Georges.
— J’ai entendu prononcer son nom pour la première fois, il y a deux jours seulement ; il venait prendre un commandement d’artillerie au 6e Corps.
— Et pendant la bataille, l’avez-vous vu ?
— Oui, fit l’aumônier, après une seconde d’hésitation ; il a, n’est-ce pas, de fortes moustaches blanches ? Je crois l’avoir remarqué avec les batteries sur une hauteur qui sépare Saint-Privat de Roncourt.
C’est bien cela, Monsieur l’aumônier, s’écria Mahurec, c’est bien là que nous étions… nous y sommes restés jusqu’à six heures.
— Alors, mon enfant, fit tristement le prêtre, votre père était bien exposé… peut-être pourrai-je vous être utile dans vos recherches, ajouta-t-il ; si vous le permettez, je vais vous accompagner.
Oh ! merci, merci, Monsieur l’aumônier ; et vous, Mahurec, fit le jeune homme, vous allez pouvoir vous reposer et nous attendre ici.
— Jamais de la vie, fit le Breton.