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l’ordre que toutes les troupes de son corps d’armée le rejoignissent au plus tôt, le train dans lequel se trouvaient Jean Cardignac et Mahurec, allait laisser ses mobiles à Verdun pour embarquer ce bataillon de ligne.

À 2 heures du soir, le 13 août, le convoi arrivait enfin en vue de Metz et s’arrêtait en pleine voie, en face du Ban Saint-Martin.

Le colonel se mit aussitôt en quête du généralissime.

Mais le Maréchal Bazaine, dont le seul souci à ce moment était d’éloigner l’Empereur, dont il redoutait l’immixtion dans la conduite de l’armée, le Maréchal avait donné ordre qu’on ne le dérangeât pas. Jean Cardignac vit seulement son chef d’État-major, le général Jarras, qu’il ne connaissait pas, et qui l’écouta distraitement.

— Un emploi de votre grade, répondit-il d’un air ennuyé, où voulez-vous que j’en trouve un ?

— Peut-être les pertes des premiers combats ont-elles fait quelques vacances dans l’artillerie, mon général, et toute mon ambition…

— Écoutez, colonel, allez voir Canrobert ; lui aura probablement un poste pour vous.

Le colonel Cardignac ne sut jamais si cette réponse ne marquait pas une véritable ironie, car dès les premiers mots qu’il échangea avec un des officiers d’ordonnance du Maréchal Canrobert, un beau lieutenant à la physionomie ouverte et intelligente, nommé Roget[1], il apprit que ce malheureux 6e Corps, venu de Châlons en chemin de fer par Frouard et Pont-à-Mousson, avait vu la voie coupée près de Dieulouard par des coureurs ennemis, et que l’artillerie des 2e et 4e divisions, ainsi que l’artillerie de réserve et toute la division de cavalerie, ne pouvant plus arriver à Metz, avaient rebroussé chemin sur Châlons.

Ainsi donc, loin d’avoir des vacances d’officier d’artillerie dans son corps d’armée, le Maréchal Canrobert n’avait que la moitié de ses pièces.

— Et que dit le Maréchal de cette situation ?

Ne m’en parlez pas, mon colonel ; il ne décolère plus, lui si calme au feu…

— Où est le reste de l’armée ?

Sur la rive droite de la Moselle ; mais l’Empereur prie et supplie le

  1. Aujourd’hui général.