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CHAPITRE XVI

à travers l’italie


Vous avez certainement rencontré déjà, mes enfants, quelque vieux soldat portant à la boutonnière le petit ruban rouge et blanc, souvenir glorieux et déjà lointain de la guerre d’Italie.

Si, le rencontrant de nouveau, vous le mettez sur le chapitre de ses campagnes — ce qui est toujours facile, car un militaire ne tarit pas quand il parle de guerre — vous l’entendrez certainement raconter tout d’abord son arrivée à Gênes ou son entrée à Milan.

« Ah ! mes enfants, vous dira-t-il, quel accueil, quels cris de joie, quel débordement d’enthousiasme ! et ces arcs-de-triomphe élevés à la gloire des sauveurs de la patrie italienne, et ce déluge de fleurs tombant des balcons, et ces sourires, ces baisers de tout un peuple voyant poindre l’aurore de la liberté, quelle ivresse, quel délire partout ! »

Puis vous verrez son front se rembrunir et vous l’entendrez, murmurer, tout bas :

« Jamais, à cette époque, nous n’aurions cru, nous, les vieux de Magenta et de Solférino, que les enfants de ces Italiens-là mettraient leur main dans la main de nos pires ennemis et s’allieraient avec les Allemands contre nous. »

Si vous lui demandez alors la raison de ce lamentable revirement d’une nation qui est, comme nous, de sang latin, il haussera les épaules et murmurera ce vilain mot qui sert à expliquer tant de vilaines choses :

« C’est la politique ! mes enfants. »