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souvenir rempli de charme qu’il en avait rapporté le décidèrent à chercher un permutant. Il en trouva un sans peine au régiment de cavalerie de Saint-Germain, et, en juin 1856, il passait au 2e hussards, commandé par le colonel L’Huillier.


Un mois après, en juillet, l’armée française de Crimée était enfin rapatriée tout entière, et je n’ai pas besoin de vous dire quel enthousiasme populaire accueillit les vaillants qui venaient d’ajouter une page glorieuse à l’histoire de notre pays.

Ce fut un retour triomphal.

Le Maréchal Pélissier quitta la Crimée le dernier.

Il s’était fait précéder par le colonel Pajol, chargé de porter à l’Empereur Napoléon III les drapeaux pris à Sébastopol.

Soixante ans auparavant, le père de ce colonel, le général Pajol, avait été chargé par Kléber de porter à la Convention les trophées pris à Mayence : il y a des noms prédestinés pour les nobles missions.

Jean Cardignac accompagnait le colonel Pajol.

Avec quel bonheur Valentine retrouva son mari, je vous le laisse à deviner, mes enfants ; elle allait donc reprendre avec lui la vie de travail tranquille qu’elle regardait comme l’idéal du parfait bonheur ! Aussi pour n’avoir plus à craindre l’imprévu d’une séparation, elle insinua doucement, très doucement d’abord à son mari, qu’il serait beaucoup mieux dans la vie civile pour continuer les recherches scientifiques, qui constituaient en somme le principal attrait de son existence ; et peu à peu elle essaya de l’amener à donner sa démission.

Mais Jean Cardignac la supplia de ne plus prononcer ce mot. Il avait juré à son père d’être soldat et soldat il resterait. Aujourd’hui, surtout, que son frère était mort et qu’il était seul, lui, Jean Cardignac, dans l’armée à porter un nom glorieux, il ne pourrait se résoudre à la quitter.

Valentine n’insista plus.

D’ailleurs, quelques jours après cette conversation, et comme si l’Empereur eût deviné les sollicitations dont était l’objet son ancien aide de camp, Jean Cardignac était promu lieutenant-colonel au choix hors tour, pour services exceptionnels en Crimée, et reprenait sa place à l’État-major particulier de l’Empereur.