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— Oh ! ce n’est pas pour la fuir que je songe à suivre ce vaillant Français, mais pour être soldat avec lui dans cette armée française, la première du monde aujourd’hui.

Pierre eut beaucoup de peine à faire comprendre au bouillant jeune homme que, n’étant pas naturalisé Français, il ne pourrait servir que dans un seul corps, la Légion étrangère.

— Qu’est-ce que la Légion étrangère ? demanda Francesco.

— C’est une troupe d’élite en campagne, répondit Pierre ; mais son recrutement est des plus mêlés, puisqu’il y entre des déserteurs de tous pays et des déclassés de tout rang à qui on ne demande aucun compte de leur passé.

— Eh bien ! dit le jeune homme, je vais m’engager dans l’armée piémontaise.

— Tu es trop jeune, Francesco, objecta la mère.

— Non, le roi Victor-Emmanuel, en raison des services rendus par mon père, m’agréera, j’en suis sûr ; je travaillerai, et dans deux ans je pourrai peut-être entrer à L’École militaire de Turin.

— Alors c’est l’exil définitif, comme pour ton père.

— Vous me rejoindrez à Turin avec Margarita, mère, quand vous aurez pu réaliser la vente de cette maison et de nos biens. Si mon père pouvait exprimer un désir, soyez sûre que ce serait celui-là.

— C’est en effet le vœu que je lui ai entendu formuler, appuya Pierre. Mme  Renucci et sa fille ne répondirent que par leurs larmes, et le jeune homme fit ses préparatifs de départ.

Lorsque Pierre Bertigny vint faire ses adieux aux deux femmes, il les trouva résignées, et elles eurent pour cet ami que la Providence leur envoyait des paroles touchantes.

— L’Italie ne compte plus que sur la France, dit la veuve d’une voix grave, et il n’est pas un patriote italien qui ne jette en ce moment des regards suppliants vers votre noble pays ; n’a-t-il pas toujours été le défenseur de toutes les causes généreuses, le champion désintéressé des peuples opprimés ? Il a rendu la vie à la Grèce ; il rendra son indépendance à l’Italie, et, jusqu’à la fin des siècles, tous les cœurs italiens le béniront, comme les deux faibles femmes que nous sommes vous bénissent aujourd’hui.

Profondément remué, Pierre put à peine répondre quelques mots, mais