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Au commandement de haut les bras, transmis à voix basse tout le long de la ligne, les pioches commencèrent à fouiller le sol, chaque homme se hâtant de remplir son gabion. Le zèle des travailleurs n’avait pas besoin d’être excité. Chacun, sentant qu’à toute minute pouvait venir une volée de mitraille, s’approfondissait le plus vite possible. À minuit, une autre équipe de même force vint relever la première, et, à six heures du matin, la tranchée était assez profonde pour qu’un homme pût s’y tenir debout à couvert.

C’est de cette parallèle qu’allaient partir, en plusieurs points convergeant vers les principaux forts russes, et tracées en zigzag pour n’être pas enfilées par les projectiles ennemis, les innombrables tranchées qui rapprocheraient les assaillants de la place.

C’est de ce jour également qu’allaient commencer les nombreuses sorties des Russes, sorties destinées à détruire les travaux exécutés, à enclouer les pièces et à retarder ainsi le cheminement de l’assaillant.

À l’inverse de ce qui se passait dans toutes les campagnes dont je vous ai déjà fait le récit, mes enfants, campagnes dans lesquelles le génie et l’artillerie avaient joué un rôle secondaire, c’est au contraire à ces deux armes qu’allait incomber la tâche principale. L’infanterie fournissait les travailleurs et repoussait les sorties. Quant à la cavalerie, sa place était au corps d’observation, et, vers la fin d’octobre, Henri Cardignac alla rejoindre les escadrons du général Morris, dans la vallée de la Tchernaïa.

Il allait assister là à la deuxième bataille de la guerre de Crimée.

Le 25 octobre en effet, les Russes attaquaient à l’improviste les redoutes qui couvraient Balaclava et en chassaient les Turcs. Or, Balaclava était le port d’attache de la flotte anglaise et l’entrepôt de tout son matériel.

Aussitôt, l’armée française d’observation fut sur pied, et le général Canrobert, étant accouru au « télégraphe », tint prêts à marcher, pour soutenir les Anglais, la brigade Espinasse, les chasseurs d’Afrique et l’artillerie à cheval.

Le combat semblait terminé.

— Ça n’est pas encore aujourd’hui notre tour, dit tristement Pierre : car il ne cessait de penser à ses galons d’or, qu’une heureuse occasion seule pouvait lui faire gagner.

Soudain, le commandant Cardignac poussa une exclamation :