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commune, et Pierre en aurait un mortel chagrin ; car, le coup qui l’avait frappé, c’était à lui, Pierre, qu’il était destiné, et c’est en lui sauvant la vie que le pauvre Delnoue était tombé.

Il chercha longtemps : un infirmier qu’il rencontra et à qui il fit part de son désir s’offrit à le guider en lui donnant de l’espoir. Peut-être le brigadier n’avait-il eu qu’un évanouissement et allait-on le retrouver vivant ? Les syncopes produites par un coup de feu tiré à bout portant, ressemblaient étonnamment à la mort, et combien de blessés on avait vu revenir à la vie avec un poumon traversé par une balle !

Ils eussent cherché longtemps tous deux, si Pierre ne se fût rappelé qu’un sapin, coupé par un boulet, devait marquer l’endroit du combat. Car c’était là que le porte-étendard des hussards russes avait trébuché et s’était abattu, et ce détail permit en effet à Pierre de retrouver son ami, au milieu du champ de carnage.

Delnoue était étendu auprès du vieil officier russe : son visage était calme, mais son corps était raide et froid, et les deux ennemis dormaient côte à côte leur dernier sommeil.

L’infirmier hocha la tête et s’éloigna à la recherche d’un blessé.

Resté seul, Pierre sentit son cœur se gonfler de sanglots : il se rappela la lugubre scène du Conseil de guerre, s’agenouilla et se mit à prier.