Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHAPITRE XIII

où il est démontré qu’un drapeau
n’est pas facile à prendre


— Qui vive ?

C’était Pierre Bertigny qui, en sentinelle à cent mètres environ en avant du bivouac de son escadron, venait de lancer cet appel à pleins poumons à travers la nuit brumeuse.

Point de réponse !…

— Qui vive ? répéta Pierre, et il arma sa carabine. Cette fois deux cris gutturaux lui répondirent.

— Scott !… Scott !… English !…

Et deux soldats émergèrent de l’ombre.

À l’appel de Pierre, le commandant Cardignac qui faisait une ronde était accouru. Pendant toute la nuit il n’avait dormi que d’un œil, craignant une surprise des Russes, car ceux-ci, comme ils le prouvèrent à Inkermann, exécutaient de préférence leurs attaques au petit jour.

Peu familiarisé encore avec les uniformes anglais, Pierre s’était mis en défense.

— N’approche pas, eh ! l’English… donne le mot…

Interloqués, les deux Anglais s’étaient arrêtés : l’un d’eux, un gaillard de six pieds, portait l’uniforme des lanciers rouges de Cardigan ; l’autre était un fantassin de ce fameux corps de Highlanders, aux jambes nues, qui devait faire rire les zouaves de si bon cœur pendant la campagne de Crimée.

À l’aide d’une mimique des plus expressives, entremêlée des appellations