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poignardé par ses janissaires, qui en acclamaient et proclamaient un autre de leur choix.

L’Algérie était, comme de nos jours, divisée en trois grandes provinces ; mais, au lieu de les appeler provinces, on les nommait des « beylicats », chacun ayant à sa tête un « Bey », tributaire et vassal du Dey. Ces trois Beys, les Beys d’Oran, de Titeri et de Constantine, représentaient, vis-à-vis de leur province, l’autorité turque, que le Dey représentait vis-à-vis de l’Algérie tout entière.

Si les Deys d’Alger s’étaient contentés de gouverner, même avec cruauté, les malheureuses populations qui les subissaient, le mal, quoique grand, ne nous eût pas porté préjudice. Mais, depuis des siècles, leurs flottes nombreuses avaient conquis, en Méditerranée, un véritable renom de férocité et de piraterie.

On ne s’aventurait en mer, sur un, navire marchand, qu’avec l’angoisse de rencontrer les pirates barbaresques. Malheur aux vaisseaux de commerce qui tombaient entre leurs mains !

L’or, les marchandises, étaient pillés. De plus, comme l’esclavage existait dans tout le territoire soumis au Sultan, ces forbans de la mer capturaient aussi les femmes, les enfants, pour les revendre comme esclaves. Quand les hommes n’étaient pas tués, décapités ou mutilés par ces brigands, ils subissaient le même sort : chargés de chaînes, ils étaient amenés dans les ports d’Algérie, où on les vendait à l’encan, comme un bétail.

Joignez à ces mœurs barbares le fanatisme religieux, qui animait et anime encore aujourd’hui le musulman contre le chrétien, le Roumi, et vous vous rendrez compte des innombrables atrocités dont la Méditerranée fut, pendant des siècles, le théâtre, grâce aux sauvages exploits des pirates turcs.

On aurait dû et pu — me direz-vous encore — réprimer de telles exactions, et ne pas attendre des siècles pour tenter ce que le gouvernement-français tentait en ce mois de mai 1830. Sans doute ! On avait bien essayé, et cela datait déjà de loin, puisque Charles-Quint, roi d’Espagne, avait autrefois tenté de les réduire.

Malheureusement sa flotte avait été détruite par une tempête. Louis XIV, lui aussi, fit bombarder Alger, mais sans résultat appréciable.

Le Premier Consul Bonaparte eut, à son tour, l’intention d’abattre la puissance des Deys ; il écrivit à celui qui régnait alors une lettre de menaces.