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sans quoi l’administration n’a pas les moyens de les envoyer aux corps de troupe, et ce sont les soldats qui pâtissent de la négligence des chefs. Or, Henri savait, par la pratique de la guerre d’Afrique, que, pour avoir des hommes prêts à marcher, il faut assurer leur bien-être et que les débrouillards seuls y parviennent.

Quant aux animaux, il leur avait trouvé, près de la mer, un pâturage où ils s’étaient refaits en peu de temps.

Continuellement sur pied, soucieux des droits de chacun, mais très exigeant dans le service, il passait à l’improviste des revues d’armes et de harnachement. Il voyait en détail, par lui-même, toutes les parties de la selle, de la bride et du paquetage de campagne, car il savait qu’un pli à la couverture, une courroie mal ajustée, une sangle mal placée, déterminent une plaie, et qu’une plaie, s’envenimant rapidement au bivouac, rend le cheval indisponible pour quinze jours. — Or, indisponible le cheval, inutile le cavalier, et c’est ainsi que, dans la cavalerie, les effectifs fondent avec une extrême rapidité, lorsque les officiers ne daignent pas entrer dans le détail incessant de cette indispensable surveillance.

Ces officiers, dont le concours dévoué est si utile, ce sont les lieutenants et sous-lieutenants, c’est-à-dire les officiers de peloton.

Chacun d’eux ayant vingt-cinq hommes et vingt-cinq chevaux à conduire, peut et doit les maintenir dans le meilleur état possible.

Or, suivies quatre officiers de cet escadron, Cardignac en avait un, M. de Sauterote, qui professait dans cette matière des opinions toutes spéciales.

— Moi, avait-il coutume de dire, je suis un homme de cheval et je ne m’occupe que du cheval.

Et de fait il connaissait le cheval comme pas un, montait comme un centaure et eût fait, les yeux fermés, à un inspecteur général, la description détaillée de tous les animaux de son peloton, avec robes, taches, balzanes et signes particuliers.

Mais des cavaliers eux-mêmes, il ne se souciait pas du tout.

— Les hommes, disait-il dédaigneusement, ce sont des brutes !

Et quand Cardignac lui demandait le nom de l’un d’eux, il répondait invariablement :

— Connais pas, mon commandant.