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lesquelles les nations ne peuvent vivre, et dont cette Histoire d’une Famille de Soldats essaye de vous peindre les beautés.

Vous le voyez dans votre histoire par l’exemple de Carthage, peuple de marchands qui ne connaissaient plus ni le courage, ni l’esprit de sacrifice, et qui, confondant l’amour des richesses avec l’amour de la patrie, virent leur ville détruite et leur liberté ravie par les Romains, peuple de soldats.

Que vos chères mamans, mes enfants, me pardonnent les idées que j’essaye de déposer dans vos jeunes âmes sur ces graves matières : elles sont profondément gravées dans la mienne et tout ce que je vois à l’heure où j’écris ne fait que les affermir.

Je ne vais pas jusqu’à dire avec le vieux Maréchal de Moltke, notre vainqueur de 70, « que la guerre est sainte et d’origine divine », mais je dis que la guerre, étant aussi vieille que le monde, durera aussi longtemps que lui, et qu’il faut toujours être prêt à la faire, avec une armée toujours prête.

Je dis que les peuples guerriers ont été dans l’histoire ceux qui, dans toutes les branches de la civilisation, ont jeté le plus vif éclat. Je dis que la France est une nation guerrière et que nous devons lui conserver ce renom qui lui donne une place privilégiée dans le monde, en dépit de ses malheurs et de ses fautes.

Je dis enfin qu’une trop longue paix amollit les caractères, détend les courages et prédispose à la décadence.

Et c’est pourquoi, arrivé à cette année 1854 de notre histoire, et n’ayant eu depuis Waterloo, c’est-à-dire depuis quarante ans, que les luttes africaines à vous raconter, je trouve avec joie sur ma route, à quelques années de distance, ces deux grandes guerres, la guerre de Crimée et la guerre d’Italie. — Elles furent impolitiques l’une et l’autre : l’avenir l’a prouvé ; mais, en vous retraçant la part qu’y prirent les Filleuls de Napoléon, je ne me souviendrai avec vous que d’une chose, c’est qu’elles furent glorieuses, fécondes en héroïsmes, et mirent au cœur de tous les Français, sans distinction de parti, les chauds enthousiasmes d’autrefois.