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que l’avenir devait en partie réaliser ; car l’aigle, avant de tomber à nouveau, allait fournir une nouvelle envolée de gloire.

Or, pendant que Henri Cardignac tentait, non sans de sérieuses difficultés, de plier le cuirassier Pierrot à l’observance de la discipline, Jean poursuivait ses travaux de savant.

L’idée scientifique qui domine la première moitié de notre dix-neuvième siècle est, sans contredit, l’application de la vapeur à la locomotion et aux besoins industriels. Mais, en toute chose, et en science surtout, une découverte incite à de nouvelles recherches.

La vapeur a fait la locomotive ; la locomotive a provoqué les freins d’arrêt, d’abord actionnés à la main, puis à l’air comprimé ; et ainsi de suite dans toutes les branches. L’industrie générale de la métallurgie a dû en même temps chercher, avec de persistants efforts, à seconder la vapeur dans sa marche envahissante.

C’est une véritable course au clocher, qui fait que ce siècle, né dans la gloire et couronné aujourd’hui par les merveilleuses applications de l’électricité, restera surtout dans l’Histoire « le siècle des ingénieurs ».

Jean était donc bien de son siècle, car il était à la fois, en même temps qu’ingénieur passionné, soldat ardent et convaincu.

Tout ce que ses confrères les savants avaient découvert, il l’avait-étudié à fond. Vous savez déjà que, pour sa part, il avait contribué puissamment à la découverte pratique de l’hélice.

Deux ans après la mort de son père, en 1843, il avait eu la joie de voir les efforts tentés en commun par M. Normand et lui-même, couronnés d’un plein succès.

Aidés d’un chercheur dont le nom se rattache à la découverte de l’hélice, le capitaine Delisle, du Génie, ils avaient construit, cette année-là, au Havre, le premier bateau français à hélice, mettant ainsi en pratique l’idée que l’ouvrier Dallery n’avait pu mettre à exécution, faute d’argent, quarante années plus tôt, en 1803[1].

Vous voyez, mes enfants, que les plus belles découvertes restent parfois bien longtemps dans la période de préparation ! Aujourd’hui, si parfois on rencontre un bateau à roues, il semble qu’on se trouve en face d’une chose

  1. Dallery appelait son hélice un escargot, car elle avait plusieurs révolutions. Ce fut Sauvage qui, en 1846, la réduisit à une seule.