Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/175

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus mauvais goût. Alors l’autorité était obligée de sévir, et en avant les arrêts et même la prison.

Au cours des huit années qu’il passa au Prytanée, il fut un diable à quatre, indomptable, qu’on aimait cependant parce qu’il avait bon cœur, mais qu’on était forcé de punir quand même.

Ce fut surtout lors de son passage au 1er  bataillon (alors qu’il entrait dans la classe du baccalauréat) que ses mauvaises farces devinrent légendaires.

Et il faut bien que je vous raconte l’une d’elles, pour que vous connaissiez à fond le mauvais galopin qui, bien malgré moi, commence à prendre beaucoup de place dans l’histoire de cette famille où il n’était entré qu’à titre adoptif.

J’espère d’ailleurs que vous ne vous inspirerez pas de ce récit, raconté à un ami commun par Pierrot lui-même, pour rééditer à quelqu’un de vos maîtres une aussi déplorable plaisanterie.

Pierrot avait, pour professeur de mathématiques, un excellent homme, qui se nommait M. Laluot.

Or, Pierrot avait pris en aversion M. Laluot, d’abord parce que le maître voulait forcer l’élève au travail, ensuite parce que les mathématiques inspiraient au gamin une répulsion particulière.

Or il faut vous dire, mes enfants, que le superbe parc où ont lieu les récréations, est longé par une petite rivière qu’on a baptisée « la Douve » et qui se trouve enserrée dans des murailles d’environ trois mètres.

Sur la Douve, naviguaient en liberté de superbes canards, appartenant au Général.

Ces braves palmipèdes vivaient heureux et tranquilles ; les canes pondaient dans les roseaux du rivage, et se promenaient ensuite avec majesté, suivies d’une escadre de petits canetons au duvet tout vert.

C’était l’âge d’or pour ces heureux volatiles.

Ils avaient compté sans Pierrot !

Pour le malin plaisir d’être désagréable à son professeur de mathématiques, notre mauvais plaisant n’hésita pas à porter le trouble chez ces honnêtes oiseaux.

Il avait jeté son dévolu sur une mère cane, qui avait fait son nid au pied de la muraille et y avait déposé, la veille même, six œuf superbes. Avec une