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Par exemple, dans la cour de récréation, le « melon » devait circuler suivant un pourtour bien réglé, bien défini, sans jamais avoir le droit de rebrousser chemin ou de traverser la cour en biais.

Or, Pierrot venait de pénétrer dans la cour des petits, et, tout en considérant, un peu interloqué, ses nouveaux camarades, il s’avança jusqu’au milieu du préau.

Immédiatement, un « grand » — ou soi-disant tel, en tout cas un « ancien » d’une douzaine d’années — vint à lui.

— Comment t’appelles-tu ? lui demanda-t-il en le toisant dédaigneusement.

— Pierre Bertigny.

— Quel est ton numéro matricule ?

— 1239.

— Eh bien, 1239, fais-moi le plaisir de faire demi-tour et de prendre la file… Les melons n’ont pas le droit de traverser.

— Pourquoi ça ?

— Comment !… pourquoi ça ?… Parce que tu es melon… et que c’est comme ça !

Pierre, déjà fort mal disposé, fronça les sourcils. Il regarda son nouveau camarade bien en face.

— Je traverserai si ça me plaît ! articula-t-il.

La physionomie de l’autre gamin exprima une stupéfaction profonde.

Entrer à La Flèche et ne pas reconnaître les droits établis d’un « ancien », cela lui sembla tout bonnement monstrueux. Il n’en revenait pas !… et, comme un groupe s’était formé, il voulut en avoir le dernier mot.

— Tu refuses ? dit-il.

— Oui !

— Tu refuses ?

— Oui !

Un murmure s’éleva.

— On va bien t’y forcer, reprit le premier interlocuteur de Pierre, en le saisissant par le bras.

Mais notre petit camarade était devenu très rouge.

— Lâche-moi ! dit-il rageur.

— Oh ! par exemple ! c’est trop fort ! Tu ne veux pas obéir ?

— Non !