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Cependant la pluie était devenue très forte : les commissaires anglais et français allèrent revêtir leurs uniformes ; un cordon de soldats fut disposé de façon à éloigner les curieux qui ne devaient pas assister à l’exhumation.

À 9 heures, le cercueil de Napoléon était rendu à la lumière et transporté par douze soldats anglais dans une tente voisine.

L’acajou était à peine humide : les vis qui fermaient le couvercle étaient encore argentées. On scia ce couvercle, et le cercueil de plomb qu’il contenait apparut intact.

Il renfermait lui-même un troisième cercueil en acajou, en parfait état de conservation. On l’ouvrit et on en vit un quatrième en fer blanc : c’était le dernier.

Ce fut au milieu d’un religieux silence que les ouvriers soulevèrent la feuille supérieure de cette dernière enveloppe. L’Empereur apparut.

Il était admirablement conservé et parfaitement reconnaissable, avec sa tête très grosse, son front large et élevé, ses lèvres petites, son menton vigoureusement dessiné. Les yeux étaient fermés et une partie des cils y adhéraient encore. La barbe un peu repoussée donnait au bas du visage une teinte bleuâtre prononcée.

— Oh, c’est lui, c’est bien lui ! murmura le colonel Cardignac, les tempes battantes et la gorge serrée.

Napoléon était revêtu de l’uniforme de colonel des chasseurs de la Garde ; son chapeau, placé obliquement sur ses jambes, s’était affaissé, mais était intact. La plaque de la Légion d’Honneur et celle de la Couronne de Fer qu’il portait sur sa poitrine étaient noircies ; mais les épaulettes en or n’étaient que légèrement brunies. Le grand cordon de la Légion d’Honneur, sortant de dessous l’habit vert, était aussi rouge que le premier jour. À ses pieds, un coffret d’argent contenait son cœur, un autre son estomac.

C’était bien Napoléon ; Napoléon privé de vie, mais non détruit ; et à la vue du Maître qu’ils avaient suivi partout aveuglément et qu’ils adoraient comme un Dieu, tous les Français présents éclatèrent en sanglots.

— Maintenant que je l’ai revu, je puis mourir, dit le colonel Cardignac à l’oreille du Maréchal Bertrand.

Une heure après, les restes de Napoléon étaient enfermés, avec les plus