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Henri s’approcha du nègre, le tira dans un coin, puis arrachant son burnous, en recouvrit le malheureux Français assassiné.

Pendant cette scène silencieuse, on entendait au dehors le bruit persistant et continu de la bataille dans les rues de Constantine. Revenant alors vers la fillette, l’officier la releva :

— Mon enfant, dit-il, je ne vous demande pas, pour le moment du moins, de me raconter votre triste aventure ; il sera temps plus tard. Calmez-vous ; je vais vous faire mettre en sûreté.

Il avisa une forte porte en chêne, fermée à double tour, fouilla le nègre tué par lui, et trouva une clef qui s’adaptait à la serrure. Il ouvrit alors la porte et sortit, en prescrivant aux enfants de ne pas bouger.

Quelques instants plus tard, ayant traversé un vestibule, puis un patio éventré par la mine et les boulets, il se retrouvait dans la rue, en pleine tourmente.

Pour mieux dire, la tourmente était loin, heureusement, car il tombait au milieu des nôtres qui couraient à l’assaut de la grande rue. Il reconnut un jeune caporal qu’il avait remarqué la veille pour sa crânerie et sa bravoure :

— Eh ! Quinel, s’écria-t-il, prenez quatre légionnaires et arrivez par ici !

— Voilà, mon lieutenant ! fit le jeune homme.

— Suivez-moi !

Quelques minutes plus tard, Henri confiait au caporal, la fillette et son frère.

— Vous allez accompagner ces enfants jusqu’au quartier général, dit-il ; vous les conduirez à ma tente ; vous demanderez l’ordonnance du lieutenant Cardignac, et lui confierez ces enfants. Ensuite, vous rejoindrez votre compagnie.

— Bien, mon lieutenant !

La fillette s’était précipitée vers l’officier et lui baisait les mains.

— Merci, monsieur ! Oh ! merci ! murmura-t-elle ; mais, notre papa, va-t-on le laisser ici ?

— Non, mon enfant. Soyez sans inquiétude : je le ferai transporter au camp après l’action.

— Merci, oh ! merci !

Et, à travers ses larmes, les yeux bleus de l’enfant se fixèrent sur ceux