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Ils sont quatre : Lamoricière, Henri, le commandant Vieux, du génie (un ancien de Waterloo) et le capitaine de Garderens qui tient en main le drapeau des zouaves.

Les défenseurs ont lâché pied ; mais, embusqués plus loin, ils tirent, ils tirent toujours.

Le drapeau tricolore est planté par Lamoricière sur un amas de débris, et la colonne, qui arrive à son tour, le salue de vivats frénétiques. Le cri de triomphe s’étend et se répercute au loin : c’est la deuxième colonne qui monte à son tour à l’assaut, sous la conduite du colonel Combes. Encore un héros, celui-là !

— En avant !… En avant !

À ce commandement, lancé par Lamoricière, on s’élance dans la ville qui s’ouvre béante au pied du rempart.

Où va-t-on ?… Le sait-on ?

Droit devant soi, en proie à une véritable frénésie, au milieu de la fumée, des cris, des vociférations… on se précipite ! On se plonge dans la lutte comme on se jetterait dans un volcan en éruption.

En avant !… En avant !…

Vit-on ?… Rêve-t-on ?… On n’en sait rien. Mais ce qu’on sait bien, par exemple, c’est qu’il faut vaincre ! car la retraite serait cette fois le déshonneur.

Au sortir du rempart, le flot des assaillants s’engage dans un dédale de ruelles étroites.

Tout est barricadé ! En dehors des petites fenêtres grillagées, semblables à des créneaux, à travers les moucharabiehs, émergent les longs « moukhalas » — les fusils des Arabes — qui lancent leur jet de flammes. Les balles ricochent sur les murailles, le crépi tombe. Des cris, des malédictions dominent le grondement de la bataille.

Enfin, à travers mille obstacles, on vient se heurter contre une haute construction à créneaux : la caserne des janissaires, solidement défendue.

Les zouaves et les sapeurs saisissent des madriers, des blocs de pierre et s’élancent ; ils prennent d’assaut le bâtiment, étage par étage, pièce par pièce.

Henri Cardignac, suivi de quelques voltigeurs du 2e léger, a poursuivi l’ennemi à travers un dédale de pièces étroites du rez-de-chaussée. Il faut les enlever une à une. Souvent, des plafonds éventrés partent des coups de feu…