Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À six heures du matin, le général Valée fit appeler le capitaine de Gardarens.

— Capitaine, lui dit-il, vous allez désigner le plus brave zouave de votre compagnie pour aller reconnaître si la brèche est praticable.

Écoutez sa réponse, mes enfants, et si vous vous trouvez jamais dans le même cas, n’en faites pas d’autre.

— Mon général, répondit de Gardarens, je ne puis admettre qu’il y ait dans ma compagnie un soldat plus brave que son capitaine ; en conséquence, je vous demande la permission de me désigner moi-même.

Ce qui lui fut accordé.

Il partit donc avec le capitaine de Boisse, également des zouaves, et, sous le feu de la place, alla reconnaître la brèche.

Par un hasard miraculeux, ils revinrent sans une égratignure.

La brèche était raide, mais praticable.

Les colonnes d’assaut se formèrent dans les parallèles et les tranchées. Henri avait demandé et obtenu de faire partie de la première.

À sept heures du matin, au signal donné par le duc de Nemours, l’assaut commença.

En un instant, la colonne de tête, composée de trois cents zouaves, de sapeurs du génie et de deux compagnies du 2e léger, a franchi le fossé.

Son allure a été si rapide qu’elle n’a perdu que deux hommes, et l’escalade de la brèche s’effectue sous un feu terrible.

Emporté par son ardeur, Henri gravit l’escarpement… Son sabre au poing droit, son pistolet dans la main gauche, il devance tout le monde… et voici qu’à travers la fumée, il aperçoit la silhouette des défenseurs turcs… Les balles sifflent ; son képi tombe… Il ne s’en aperçoit même pas !

Soudain, il s’arrête : on l’interpelle.

— Lieutenant ! s’écrie Lamoricière ; en arrière ! Je vous défends dépasser devant moi… ou je vous brûle la cervelle !… Je veux être le premier là-haut !…

Derrière eux la houle des assaillants déferle comme une marée d’équinoxe. Les pantalons rouges bondissent au milieu des débris du rempart, escaladent les pans de murailles croulantes et se précipitent sur les traces de leurs chefs.

Lamoricière a passé le premier, Henri le suit, et, au milieu d’une décharge générale, ils atteignent la crête.