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— Mon général, s’écria le général Rullière, l’endroit est dangereux ! Je vous en prie !…

Au même instant, un boulet arriva en ronflant, ricocha sur une roche et passa si près de Damrémont que le déplacement d’air fit voltiger sa dragonne et les pans de sa tunique.

— Ce n’est rien, dit-il en souriant.

Henri Cardignac se précipita. En même temps que lui, tous les autres officiers présents — le duc de Nemours en tête — voulurent entraîner Damrémont.

Il les écarta doucement.

— Laissez, messieurs. Soyez sans crainte, dit-il.

Mais, à cette minute même, un second boulet l’atteignit au ventre et le traversa de part en part.

Le général Perregaux le reçut dans ses bras, mais atteint lui-même d’une balle en plein front, il s’écroula comme une masse.

On s’élança. Les deux glorieux morts furent enlevés et emportés derrière le retranchement, au milieu de la consternation générale.

Quelques instants plus tard, on put voir passer dans les tranchées un brancard, porté par les carabiniers du 2e léger.

Sur ce brancard était placé le corps du général en chef. Henri Cardignac l’avait recouvert d’un manteau, et suivait tête nue, pouvant à peine retenir ses larmes.

Lorsque le triste convoi se mit en marche, le duc de Nemours inclina son épée.

— Saluons, messieurs, dit-il ; c’est notre général qui passe.

Le corps de Damrémont fut déposé sous sa tente.

Mais on n’avait pas, à cet instant critique, le temps de pleurer longuement les morts, et le général Valée prenant le commandement, donna les ordres pour l’assaut.

Quand l’ordre fut lu dans les tranchées, il produisit parmi les troupes un enthousiasme indescriptible : chaque soldat tenait à honneur de venger la mort de Damrémont, et le colonel Lamoricière, qui commandait les zouaves, ayant reçu l’ordre de conduire la première colonne d’assaut, déclara au général Valée :

— Mon général, à dix heures nous serons maîtres de la ville… ou morts.