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bas, et ouvrir ainsi une brèche par laquelle nos troupes essaieraient d’enlever la ville d’assaut.

Cette batterie fut mise en action, et le mur, battu méthodiquement, fut criblé de boulets placés comme à la main, en des points convenablement choisis. Enfin un dernier coup de canon, pointé par le commandant Maléchard, fit crouler le mur qui s’effondra, aux acclamations des zouaves, postés dans les tranchées voisines.

Alors, le général Damrémont, dont le caractère était rempli d’humanité, prit une décision que lui inspiraient à la fois la pitié de l’homme et l’admiration du soldat, pour l’héroïque résistance des assiégés.

Il fit cesser le feu et envoya un parlementaire aux défenseurs de Constantine. Le général offrait aux assiégés la vie sauve, le respect des personnes et des propriétés, s’ils consentaient à rendre la ville sans combat :

« Vous éviterez ainsi de grands malheurs, disait-il, et toutes les horreurs que comporte fatalement un assaut. »

Le parlementaire rapporta cette fière réponse du caïd El-Dar, chef des troupes musulmanes ; elle vaut d’être citée textuellement[1].

« Si les chrétiens manquent de poudre, disait le caïd, nous leur en enverrons ; s’ils n’ont plus de biscuit, nous partagerons le nôtre avec eux ; mais tant qu’un de nous sera vivant, ils n’entreront pas dans Constantine ! »

Et le général Damrémont s’écria :

« Voilà de braves gens !… Eh bien ! l’affaire n’en sera que plus glorieuse pour nous ! »

Vous voyez, mes enfants, quels beaux sentiments animaient les combattants ; quelle lutte grandiose ils tentaient de part et d’autre, et nous devons nous incliner respectueusement devant l’héroïsme de tels hommes.

C’était la guerre chevaleresque alors !… tandis qu’aujourd’hui !… Vous verrez plus tard, mes jeunes amis, ce que les inventions scientifiques et ce que l’on appelle le progrès ont fait de la bataille moderne.

Dès qu’il eut reçu avis du refus de rendre la place, le général Damrémont prit immédiatement ses dispositions pour l’attaque.

Il vint avec son état-major reconnaître l’état de la brèche, et s’avança jusque sous le feu des Turcs.

  1. L’Algérie, de 1830 à 1840, par Camille Roussel.