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ses gros sourcils, ses lèvres se pincèrent ; puis, s’approchant de l’Émir toujours assis à la turque :

— Quand un général français est debout, tu dois te lever en même temps que lui ! dit-il avec fermeté.

Et, saisissant de sa main énergique et robuste le fin poignet de l’Émir, il l’enleva de terre et le mit sur pied.

L’autre ne broncha pas, salua, et les deux hommes se séparèrent.

La pacification momentanée était faite dans la région d’Oran ; mais hélas ! pour peu de temps, car l’Émir devait bientôt déchirer le pacte consenti et reprendre les armes.

Bouloche avait vu la scène… de loin ; il n’en revenait pas.

— Mais, mon vieux, dit-il à un de ses camarades, elle a de la barbe !

Il finit par comprendre qu’on avait ri à ses dépens ; toutefois il ne s’en fâcha point.

— C’tégal ! fit-il en revenant au camp. Mon lieutenant m’a bien monté l’coup ? N’empêche ! j’suis content d’avoir vu le bel Kadère !

Jamais on ne put obtenir de lui qu’il désignât l’Émir autrement.


Or, pendant que Bugeaud obtenait ainsi une trêve dans la province d’Oran, la guerre battait son plein à Constantine.

Le général Damrémont en avait commencé le deuxième siège.

Je ne vous en raconterai pas, mes enfants, toutes les péripéties, me contentant de vous dire que ce fut une rude épreuve pour nos troupes qui, toutes, se signalèrent par leur bravoure.

Zouaves, légionnaires, infanterie légère, artillerie, génie, tous rivalisèrent d’entrain, de zèle et d’abnégation. Les officiers, comme les soldats, donnaient de leur personne. Un capitaine, nommé Mac-Mahon, y fut blessé.

Il devait plus tard être Maréchal de France et Président de la République.

Je ne veux vous citer que ce simple épisode ; il est, du reste, typique et vous donnera une idée bien exacte de l’énergie déployée contre nous par les défenseurs de Constantine.

Une fois les travaux d’approche terminés, on avait réussi, après une série d’importants combats tous meurtriers, à établir la batterie de brèche, c’est-à-dire à placer juste au bord du fossé des pièces de gros calibre, qui, tirant presque à bout portant sur le rempart, devaient l’éventrer, puis le jeter à