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— Mon cher colonel, dit alors Bugeaud, je vous dis entre nous ceci : avant peu il y aura du nouveau. On agite, le 19 janvier, la question algérienne à la Chambre. J’interviens aux débats et je crois savoir, d’ores et déjà, qu’on va nous désigner, un de mes collègues et moi, pour deux commandements importants en Afrique. Dès que ce sera officiel, venez me voir, et je me charge de votre fils.

— Merci, mon général. Mais je n’ai pas que mon spahi, il a un frère jumeau, lieutenant d’artillerie et qui, malgré ses démarches, n’a pu encore obtenir d’aller faire campagne. Je vous demanderai donc votre protection pour tous les deux.

— Entendu, vous me présenterez votre artilleur.

Ils se quittèrent sur ces mots.

Quelques semaines plus tard, les prévisions de Bugeaud se réalisaient : il était nommé commandant supérieur des troupes de la province d’Oran ; le général de Damrémont recevait celui de Constantine.

— Ça tombe à pic, dit le colonel Cardignac. J’ai personnellement connu Damrémont, je vais donc arranger les affaires pour le mieux.

C’est ainsi qu’au printemps de 1837, Jean et Henri s’embarquaient à Toulon sur deux transports à vapeur : le premier avec Bugeaud, pour Oran, en qualité d’officier d’ordonnance, et Henri pour Alger, avec le général Damrémont, qui l’avait attaché à son état-major.

Les deux frères allaient donc combattre le même ennemi dans deux directions différentes, mais récolter chacun de son côté une part égale de dangers et de gloire.

Ai-je besoin d’ajouter que Jean Cardignac emportait dans son bagage ses épures, ses plans, ses projets, comptant bien que la guerre lui laisserait quand même quelques moments de loisir, et qu’il pourrait sacrifier à son goût favori.

Son fidèle brosseur Bouloche l’accompagnait.

Et pendant que Jean suivait le général Bugeaud dans sa marche contre Abd-el-Kader, Henri partait pour la deuxième fois dans la direction de Constantine, le général Damrémont ayant décidé de frapper là un coup décisif et de venger l’échec du premier siège.

La poudre allait encore parler.