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âge chargé d’une mission aussi importante. En le quittant, il l’embrassa et lui glissa dans la main un écu de six livres. Mais au contact de la pièce, l’enfant sursauta :

— Ah ! non, citoyen, dit-il d’un petit air décidé, vous vous trompez, je ne veux pas d’argent.


« Au revoir, mon petit gars. »

— Mais, mon petit gars, dit le brave homme interloqué, c’est pour t’offrir des petites douceurs comme ça, de temps en temps : je n’ai pas voulu te faire de peine.

— Oh ! je le sais bien, citoyen !

— Et puis, reprit l’homme, c’est autant que les Prussiens n’auront pas.

— Les Prussiens ! attendez un peu, et vous verrez comme ils vont repartir pour leur pays.

— Tu crois ? j’ai bien peur que non : ils sont si nombreux et si bien armés.

— Bast ! ça ne les empêchera pas d’être battus, vous verrez, vous verrez ! Au revoir, citoyen, je n’ai plus de temps à perdre si je veux arriver avant la nuit.

— Au revoir, mon petit gars, et si un jour tu repasses ici, tu pourras toujours venir frapper à ma porte : tu demanderas la maison du père Bataille ; ça me fera un rude plaisir de te revoir.

Ainsi, dans ces temps héroïques, on voyait des enfants rendre la confiance aux hommes faits.

Jean ne se doutait guère d’ailleurs que, en refusant, dans son honnête simplicité, l’écu qui lui était offert, il ne faisait qu’appliquer les principes qui