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qu’on allait exécuter en pleine forêt, en longeant, en quelque sorte, l’ennemi, une active surveillance devenait plus indispensable que jamais. Par suite, le silence absolu était obligatoire.

Enfin, on fit par le flanc, la neuvième en tête des deux brigades, c’est-à-dire des quatre régiments que Dumouriez confiait au général Chazot pour reprendre la position de la Croix-aux-Bois.

La cavalerie, comprenant cinq escadrons des hussards de Chamborand, éclairait les flancs de l’infanterie en suivant la lisière des bois ; et, sous l’escorte d’un autre escadron, partirent quatre pièces de huit.

Mais les chemins étaient en mauvais état : l’artillerie s’embourba plusieurs fois, et les fantassins durent s’atteler aux roues pour les sortir des ornières profondes. Les fourgons des vivres ne purent suivre, et, après douze heures d’une marche harassante, la colonne n’arrivait à Vouziers que le lendemain matin.

Les troupes étaient incapables de faire encore ce jour-là les deux lieues qui les séparaient du défilé. Chazot remit l’attaque au jour suivant.

Le 14 septembre, à trois heures du matin, il quittait Vouziers avec son détachement, qui comptait environ cinq mille hommes.

Bientôt l’avant-garde se trouva en contact avec les avant-postes autrichiens et les premiers coups de feu s’échangèrent.

Ce fut la 9e demi-brigade qui engagea l’action, et pour la première fois, elle appliqua le nouveau principe des tirailleurs en grandes bandes qui devait, pendant toutes les guerres de la Révolution et de l’Empire, dérouter la tactique routinière des successeurs du grand Frédéric.

Sachez, en effet, mes enfants, que, jusqu’alors, on n’avait songé à marcher au combat que coude à coude, et en formant des colonnes serrées. Les officiers tenaient ainsi mieux leurs hommes en main ; mais les soldats du premier et ceux du deuxième rang seuls pouvaient tirer ; ceux qui marchaient en arrière ne servaient à rien, au point de vue du feu, et, au contraire, leur formation en profondeur rendait ces colonnes très vulnérables. Quand un boulet arrivait, il emportait une file entière de six à sept hommes, et les sergents devaient se borner à commander :

« Serrez les rangs !… »

En dispersant les hommes en tirailleurs par lignes minces, on leur permet de s’abriter derrière tous les obstacles du terrain et de faire bon usage