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garde de Dumouriez, forte de six mille hommes, n’était arrivée, cinquante hussards prussiens, s’avançant sur la grande route, pouvaient changer le sort de la guerre.

Le premier mot du colonel Bernadieu, en recevant de Galbaud l’ordre de quitter la côte de Biesme et les retranchements élevés à grand’peine, avait été celui-ci :

« Allons retrouver Dumouriez ; celui-là est un chef ! »

Et, sans vouloir rentrer dans la ville, aidé d’un paysan qui s’offrit à le guider, il s’engagea dans le profond chemin boisé qui, par la Pierre croisée, conduit directement, à travers la forêt, sur Grandpré.

C’était une marche hardie, dangereuse même, car ce chemin, ancienne chaussée romaine, devait être battu par la cavalerie de Brunswick ; mais elle s’effectua sans incident, et, le soir même, la 9e demi-brigade débouchait dans la pittoresque vallée de l’Aire, petit affluent de l’Aisne, qui forme boucle en avant de cette dernière rivière.

Au sortir des bois sombres où on marchait depuis six heures en silence, le spectacle le plus réconfortant attendait les vaillants qui, sans se laisser émouvoir par la panique de la garnison de Verdun, avaient suivi leur colonel. En face d’eux, les hauteurs escarpées de Grandpré et de Saint-Juvin étaient couvertes par les soldats de Dumouriez ; les tentes alternaient avec les abris de branchages ; des milliers d’hommes travaillaient aux retranchements dans un désordre de fourmilière. Sur toutes les hauteurs voisines, des postes observaient l’horizon boisé : plus de quarante pièces d’artillerie, canons et mortiers, étaient braquées sur les passages de la vallée, des patrouilles de cavalerie circulaient au loin.

La véritable armée française, celle qui devait repousser l’invasion, était là !

Le chef qui la commandait avait su la galvaniser ; celle-là ferait son devoir et, au spectacle imposant de son déploiement, les trois bataillons de la 9e demi-brigade poussèrent une longue acclamation.

Une heure après, ils fusionnaient avec l’armée de Dumouriez et bivouaquaient près de l’artillerie, avec mission de lui servir de soutien en cas d’attaque, car il faut savoir que l’artillerie, qui est puissante dans la lutte éloignée, parce que ses projectiles portent loin, a besoin d’être protégée contre la cavalerie et l’infanterie ennemies, qui, en arrivant sur elle à l’improviste, tuent aisément les canonniers et enclouent les canons.