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lerie anglaise, et, épuisés par ce combat inégal, nos cuirassiers redescendent du plateau dont les habits rouges couronnent de nouveau les bords.

Mais Ney rallie ses hommes ; Kellermann se joint à eux avec ses carabiniers ; les dragons et les grenadiers à cheval de la Garde s’élancent à leur tour, et dix mille cavaliers escaladent pour la deuxième fois l’infernal plateau.

Ils s’emparent à nouveau des canons ; les hussards de Cumberland prennent la fuite ; des carrés entiers sont sabrés, mutilés, disloqués : déjà la route de Bruxelles est couverte de fuyards anglais jetant leurs armes.

Encore un effort et la bataille est gagnée.

Mais il faudrait de l’infanterie pour forcer la victoire ; et Napoléon n’a plus que la Vieille Garde.

Il se décide à la faire donner.

C’est un moment solennel que celui où les « bonnets à poil » se mettent en mouvement, et les Anglais qui les voient s’ébranler sont saisis d’un mystérieux effroi.

Il est sept heures.

Alignée comme à la parade, le 1er régiment de grenadiers en tête, la Garde Impériale gravit à son tour les pentes du Mont Saint-Jean.

À leur tête encore, marche Ney, dont la mort ne veut pas et qui, sans chapeau, les vêtements en lambeaux, ayant eu son quatrième cheval tué sous lui dans la journée, agite son sabre en criant à Drouet d’Erlon : « Tu vois tous ces boulets ; je voudrais qu’ils m’entrent dans le ventre. »

Sans brûler une amorce, l’héroïque phalange, trempée au feu de vingt batailles, aborde l’ennemi à la baïonnette, culbute les Hollandais et derrière eux les soldats de Brunswick et de Nassau ; mais une troisième ligne se dresse devant elle, tire à bout portant et couche dans les blés la moitié des bataillons de la Garde.

En même temps le canon tonne et la fusillade redouble à notre droite !

Est-ce Grouchy qui, lancé la veille à la poursuite des Prussiens pour les empêcher de secourir les Anglais, arrive derrière Bulow ! Si c’est lui, les 30.000 hommes qu’il amène vont faire pencher la victoire du côté des nôtres. Et Napoléon, frémissant, braque sa lorgnette vers ces lignes noires qu’on aperçoit confusément dans la plaine.

Non, ce n’est pas Grouchy, c’est Blücher lui-même qui, échappant à la