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insoupçonné, une paire de belles bottes à glands d’or qui se trouva chausser Jean à son entière satisfaction.

— Maintenant, fit-il d’une voix brève, il me faut encore un pistolet. Puis, quand il l’eut :

— Et ce qu’il faut pour le charger.

Le magasin du fripier était décidément universel : dans une vieille caisse aux antiques ferrures, le Juif, de plus en plus souple, trouva de la poudre et des balles du calibre voulu.

Jean chargea l’arme ; puis le braquant entre les deux yeux de l’israélite terrifié, il gagna à reculons la porte de l’arrière-boutique et la ferma promptement à double tour, emprisonnant ainsi, dans leur propre maison, le Juif et sa femme évanouie.

Comme il traversait rapidement la boutique, Jean remarqua à nouveau les piles de pièces d’or que comptait le fripier à son arrivée et dont il avait eu, tout d’abord, dessein de s’emparer. Mais elles lui étaient maintenant inutiles, le colonel estimait posséder avec l’argent du geôlier une somme suffisante pour traverser l’Allemagne, et comme l’or n’était pour lui que le moyen de gagner la France, il ne toucha point à celui du Juif.

Par bonheur, il n’était entré personne dans la boutique et personne ne le remarqua quand il sortit. Par mesure de prudence il ferma à clef la porte de la rue. De cette façon le Juif, bouclé dans son réduit, n’aurait pas le temps ni la possibilité de le rejoindre pour donner l’éveil.

Dans son uniforme, il se sentait maintenant très à l’aise ; il demanda de nouveau son chemin à un passant et fut aussi étonné que satisfait de l’extrême empressement avec lequel on lui répondit.

Cet empressement, il le retrouva à l’auberge de la Poste où on lui donna la meilleure place dans une voiture qui partait une demi-heure après pour Posen.

Une fois dans cette ville, il se sentit en sûreté. Si le télégraphe eut existé, son signalement pu être envoyé dans toutes les directions et le précéder partout. Heureusement pour lui, il précédait au contraire tous les agents qu’on eut pu lancer à sa poursuite.

Et, en moins de cinq jours, tantôt à cheval, tantôt en chaise de poste, voyageant jour et nuit, ne prenant que le repos strictement nécessaire, il arriva à Trêves, par Dresde et Hanau.

— Aide de camp de S. E. le général Woronzow ! dit-il aux officiers