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Le brave prêtre le félicita de sa bonne action ; puis, comme il était lui-même un peu médecin, il vint soigner tous les jours notre pauvre ami qui, ainsi entouré, se trouva mieux au bout d’une quinzaine de jours.

C’est alors qu’il écrivit la lettre que le service de l’Empereur venait de faire remettre à Lison.

Après avoir raconté sa terrible aventure, Jean concluait ainsi :


« Maintenant je suis bien remis. Chaudement vêtu, je peux reprendre la campagne, grâce à un peu d’argent que le brave Moïloff veut bien m’avancer, et je vais tenter de gagner Magdebourg où j’ai appris que l’armée s’est concentrée.

« À la grâce de Dieu, ma chère Lise ! Comme le courage ne me fait pas défaut, j’arriverai à mon but et je pourrai encore te serrer sur mon cœur ainsi que mes deux chérubins.

« J’embrasse Maman Catherine, grand’père Bailly, papa Belle-Rose. Faites tous des vœux pour que je réussisse et… à bientôt.

« Jean Cardignac,
« Colonel du 1er Grenadiers, de la Garde impériale. »


Malgré la confiance pleine de crânerie qui s’exhalait de cette lettre Lise, après l’avoir relue à haute voix devant tous, à son retour à la maison, la laissa retomber, d’un geste triste, sur ses genoux.

Personne n’osait donner son avis.

Belle-Rose, lui-même, survenu pendant cette lecture, était perplexe. Ce fut pourtant lui qui, le premier, donna la formule de l’impression de tous, impression qui se résumait dans un doute plein d’amertume.

— Bornebleu ! murmura-t-il ; s’il avait réussi, il serait déjà là, ou tout au moins dans les lignes françaises !

— Oui, reprit Jacques Bailly et nous aurions de ses nouvelles.

— Mon Dieu ! soupira Catherine, il aura été repris, le pauvre enfant !… Lise murmura tout bas, presque dans un souffle :

— On me l’a tué !

Et un souffle de deuil passa sur la lueur d’espérance que l’Empereur avait fait briller à ses yeux, quelques instants auparavant.