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rentrer arrivait, une tristesse passait dans les yeux des vieux soldats en voyant s’éloigner « les petits ».

Cependant, malgré les apparences d’une pacification parfaite dans l’Europe du Nord, la Russie se détachait insensiblement de notre alliance

Napoléon, très bien renseigné par ses ambassadeurs et ses diplomates, sentit que la paix n’était plus assurée ; que la guerre sortirait fatalement de cet état de choses. Aussi, dès la fin de l’année 1811, il se mit, suivant son habitude, à la préparer.

Il conclut un traité de coopération avec la Prusse et l’Autriche, afin d’être tranquille sur ses derrières ; puis avec une science profonde, il commença en secret l’acheminement, vers la frontière russe, de la plus gigantesque force militaire qu’on eût encore jamais vue au monde.

Le tsar Alexandre s’en émut, il rejoignit son quartier-général ; et, devant cette menace, Napoléon prenant une détermination définitive, quitta Paris le 9 mai 1812.

Jean Cardignac était déjà en route : depuis deux mois, sur un ordre de l’Empereur, il avait quitté le commandement de son bataillon pour reprendre son service à l’État-Major.

Le 1er mai, au soir, Jean était rentré chez lui, en annonçant son départ pour le lendemain.

— L’Empereur, dit-il à Lisette, m’envoie porter des dépêches à Dresde, et il m’a prescrit de l’y attendre.

Il n’y avait qu’à s’incliner.

Du reste, malgré les bruits de guerre qui commençaient à prendre consistance, Lise espéra qu’il ne s’agissait là que d’un de ces courts déplacements d’inspections dont l’Empereur était coutumier.

— Tu vas revenir bientôt ? dit-elle. Ton absence sera courte… dis ?

Jean eut un sourire, et l’attirant à lui :

— Ma chère Lisette ! dit-il, même si la guerre éclate, sois sans crainte, je reviendrai.

Le lendemain matin, Jean Cardignac, après avoir embrassé tendrement sa femme, ses deux fils et tout son monde, s’installait dans une berline du service de campagne de l’Empereur.

Il emportait avec lui une valise renfermant les dépêches que Napoléon lui avait remises en mains propres.